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en produise plus que pour sa consommation personnelle, il court grand risque de ne pouvoir se débarrasser de l’excédent dans l’Ouest à aucun prix ; et, bien qu’il y ait sur l’article un droit de 15 cents par bushel à l’importation, il n’a pas même la chance de vendre ce prix à l’intérieur. On cite, comme exemple, un des plus gros fermiers de l’État de New-York, M. H. -G. Wheeler, qui, ayant planté au printemps dernier 100 bushels de pommes de terre et en ayant retiré une bonne récolte, a envoyé treize charges de wagon à Philadelphie, le chef-lieu classique du marché intérieur, et quand il a réglé avec ses commissionnaires transport, frais de manipulation, commission, etc., il s’est trouvé leur redevoir une balance de 100 dollars. Et ce n’est pas une exception ; il est souvent impossible aux fermiers de se débarrasser de leurs pommes de terre, ce qui n’empêche pas que les consommateurs, le gros du peuple, ne les paient très cher aux détaillans. Le middleman reste, en toute matière de transaction, le fléau rongeur du pays.

Enfin, nous ne dirons qu’un mot du domaine forestier des États-Unis, dont l’exploitation ou le gaspillage monte annuellement à près de 700 millions de dollars. C’est le cauchemar du département de l’agriculture qui, malgré tous ses efforts, se sent impuissant à le protéger. Une mesquine allocation de 10,000 dollars pour surveiller et administrer de pareilles immensités boisées, voilà tout ce qu’il reçoit du budget fédéral. De telle sorte que dans un pays où la nature a prodigué à foison toutes les plus riches essences, la dévastation, sous toutes ses formes, poursuit son œuvre destructrice, aussi bien sur les terres fédérales que sur les propriétés particulières. On allume une forêt pour se chauffer ; on abat un chêne centenaire pour extraire du tronc supérieur des planches, qu’on abandonne le lendemain à la pourriture, alors que le pionnier pousse en avant. De ce chef, la perte annuelle est évaluée à plus de 50 millions de dollars. Au point de vue climatologique et fluvial, comme pour les ressources futures du chauffage et de la construction, cette question du déboisement à outrance est une des plus graves, qui laisse pourtant les politiciens du Capitole fort indifférens. L’avenir se chargera de faire expier durement leur manque d’esprit de conservation.


IV. — FERMAGE ET ÉLEVAGE.

Ce tableau de la production agricole en l’Amérique du Nord resterait incomplet si nous ne faisions ressortir les produits complémentaires, ceux de la ferme et du bétail, qui doivent, dans toute exploitation rurale bien entendue, concourir à la prospérité du fermier.