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munitionnaire d’un corps d’armée, dont il avait fait preuve dans la dernière année de la guerre de la succession d’Espagne. Il a rendu justice à la sagesse de vues qui préserva Duvernay, malgré les tentations qu’une grande fortune déjà acquise pouvait lui suggérer, de toute participation aux folies financières de Law, et qui le fit ensuite désigner par le duc de Bourbon, après la chute du système, pour en réparer les ruines. Une courte disgrâce, subie à l’avènement du cardinal de Fleury, n’avait pas empêché l’adroit ministre, dont le don principal était de se connaître en hommes, de rappeler bientôt auprès de lui cet habile agent et d’en faire dans les guerres, que de loin il se plaisait à diriger, un de ses associés et de ses confidens préférés. En fait, de l’avis unanime de tous ceux qui avaient eu affaire à lui, Paris-Duvernay était reconnu comme un maître dans l’art difficile de faire vivre de grandes armées en campagne. Mais M. Rousset n’exagère rien quand il affirme que, très fier de l’hommage rendu à ses talens, Paris-Duvernay en avait conclu que, pour qu’il fût en mesure de répondre à ce qu’on attendait de lui, il fallait que les généraux consentissent, non-seulement à le prévenir de tous leurs mouvemens avant de les opérer, mais à le consulter sur toutes leurs résolutions avant de les prendre.

Que telle fût bien, en effet, sa prétention, — qu’il se considérât déjà, en réalité, comme le conseiller nécessaire et l’associé de fait de tous les commandans militaires ; ce n’est pas là seulement l’appréciation personnelle de M. Rousset : j’en trouve dans un document inédit et communiqué par un des héritiers de sa famille, la preuve à la fois naïve et raisonnée : — « L’intendant, y est-il dit, ayant la confiance du général, est souvent en état déjuger si les armées peuvent en venir à une action, et lorsqu’il y entrevoit quelque apparence, il doit s’occuper de deux objets bien difficiles dans l’exécution. Le premier, c’est, dans la supposition d’un événement malheureux et des suites qu’il peut avoir, pour ne jamais laisser, dans les places de la première ligne, que les quantités nécessaires dans les magasins pour la défense de ces places, en cas de siège, et que les gros dépôts de ces magasins soient toujours dans les places de seconde et de troisième ligne. Il doit même prendre connaissance de la position des convois, au jour de l’action, pour les faire placer de manière qu’ils soient en état de se retirer sans embarrasser l’armée. Cette dernière circonstance est plus du fait du général et du maréchal-général-des-logis que de l’intendant, mais elle ne l’exclut pas d’y donner son attention et d’en parler au général, qui, souvent occupé d’objets trop supérieurs dans ces momens, n’a pas le temps de tout prévoir. Le second cas est plus difficile dans son exécution : c’est quand, par une bataille heureuse, l’armée doit