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et l’union des deux branches de la maison royale dans les conditions mêmes où un double mariage les avait scellées. Un parti puissant se prononça donc tout de suite en faveur d’une combinaison si naturelle. Le dessein, mis en avant à Madrid par la fille de Louis XV, femme de don Philippe (celle qu’on appelait Madame Infante), fut agréé et pris à cœur par Ferdinand, toujours affectueusement disposé pour les enfans du second lit de son père. Tous les partisans de l’alliance espagnole en France, le maréchal de Noailles en tête, adoptèrent l’idée avec passion. On y lit entrer aisément la reine de France, docile aux influences de famille, et enfin, au premier moment, le dauphin lui-même qui, ne pouvant gardera celle qu’il avait perdue la fidélité de son affection, vit là au moins un hommage à rendre à sa mémoire. L’ambassadeur Vauréal, voyant toutes ces influences réunies, se déclara, sans attendre d’instructions, dans le même sens. Il avait dû autrefois une grandesse à un des mariages royaux, le même moyen pouvait lui valoir un chapeau de cardinal.

L’affaire, qui semblait aller toute seule, vint subitement échouer contre un obstacle d’un genre inattendu, ce fut un scrupule de Louis XV. Ce prince, on le sait, avait la conscience très capricieuse : violant chaque jour sans se gêner les préceptes que l’Évangile met avant tout autre, sa dévotion s’arrêtait effrayée devant les règlemens canoniques et les lois extérieures de l’église. Il s’agissait dans le cas présent de faire épouser au dauphin la sœur de sa première femme : c’était une affinité dont le degré constituait un empêchement de droit ecclésiastique. Rien assurément n’était plus aisé que d’en aller chercher la dispense à Rome ; les exemples et les précédens à cet égard ne faisaient pas défaut. Mais la valeur des dispenses pontificales, comme de tous les actes de la cour de Rome, n’était reconnue en France par l’épiscopat et la magistrature (deux corps alors également gallicans) qu’avec beaucoup de doutes, de contestations et de réserves. On alarma la piété délicate de Marie Leczinska : on prononça à l’oreille le mot d’inceste ; c’était renouveler, disait-on, sous une fausse apparence de légalité, le scandale donné par les demoiselles de Mailly, que la colère divine avait si cruellement châtiées. Louis XV, troublé lui-même par ce souvenir, se mit à craindre que, le mariage étant réprouvé par des docteurs graves et mal vu de la population pieuse, la légitimité de la postérité qui en sortirait ne fût mise en doute. Ferdinand, au contraire, élevé à une tout autre école de théologie, ne pouvait comprendre qu’un mot du pape ne mît pas toutes les consciences en repos. Bref, on vit naître et grossir une de ces difficultés qui, mettant aux prises des sentimens d’une nature très délicate, jettent