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Robin Targis. Villon parle de Robin Turgis, à plusieurs reprises, dans le Grand Testament, et avoue ce larcin, qui devint si connu par les Repues franches. On sait d’ailleurs que Villon quitta Paris en 1456, et qu’il n’y rentra qu’après la publication du Grand Testament, en 1461. On ne peut donc placer l’escroquerie du broc de vin de Beaune que dans les années qui précèdent le départ de Villon, c’est-à-dire en 1452 et 1453, quand les écoliers prenaient des poules à Saint-Germain-des-Prés et des crochets de fer aux bouchers de la montagne Sainte-Geneviève. Voilà le temps que Villon déplore :


Je plaings le temps de ma jeunesse,
Ouquel j’ay plus qu’autre gallé. . .
....................
Hé Dieu ! se j’eusse estudié
Au temps de ma jeunesse folle,
Et à bonnes meurs dédié,
J’eusse maison et couche molle !
Mais quoy ? je fuyoie l’escolle,
Comme fait le mauvais enfant. . .
En escripvant ceste parolle,
À peu que le cueur ne me fent.


C’est quand il avait ainsi la vie facile, logeant chez le chapelain, vivant sur l’habitant, et plein de « nonchaloir, » que François Villon put regarder autour de lui et prendre goût à la peinture réaliste du vrai Paris. Au coin d’une rue, entre Isabeau et Jehanneton, il rencontra « la belle qui fat heaulmière, » vieille, chenue, et dont le rusé garçon était mort passé trente ans. Il en eut pitié. Comme Mlle  de Bruyères, dont le caractère semble avoir été difficile, devait injurier les étudians, avec ses chambrières « qui ont le bec si affilé, » quand ils venaient en tumulte déterrer les bornes à l’hôtel de la rue du Martelet-Saint-Jean, Villon fit sur elle la ballade :


Il n’est bon bec que de Paris.


Enfin il se lia, pendant ces années, avec deux clercs de mauvaise vie, Régnier de Montigny et Colin de Cayeux. En août 1452, Régnier de Montigny, qui était d’une famille noble de Bourges, fut condamné au bannissement pour avoir rossé une nuit deux sergens du guet à la porte de « l’ostel de la Grosse Margot. » Régnier de Montigny était avec deux compagnons, Jehan Rosay, et un