Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/417

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais Villon, ayant retrouvé le chapelain de Saint-Benoît, et sa chambre au cloître, reprit son ancienne vie. Quoiqu’il eût a toutes ses hontes bues, » il ne s’était pas amendé. Ce petit homme sec, noir, futé et prudent, ayant repris sa tonsure depuis que la justice laïque l’avait fait entièrement raser, continuait à errer dans la cité, et n’oubliait pas ses vieilles haines. La rancune est son moindre défaut. M. Longnon a eu le bonheur de le retrouver en novembre 1463.

François Villon vint trouver un soir, vers six heures, Robin Dogis, à un hôtel où pendait l’enseigne du Chariot, dans la rue des Parcheminiers. Il demanda à Robin Dogis de lui donner à souper. Avec eux mangèrent Rogier Pichart et Hutin du Moustier, qui fut plus tard sergent à verge au Ghâtelet. Pendant le souper, ils convinrent tous qu’ils iraient passer la soirée dans la chambre de maître François Villon. Vers sept ou huit heures donc, ils quittèrent l’hôtel du Chariot, et s’en allèrent à Saint-Benoît, par la rue Saint-Jacques. On ne sait si François Villon conseilla à ses compagnons une mauvaise plaisanterie, mais il y a tout lieu de le croire. Car ils s’arrêtèrent devant la fenêtre de l’écritoire de maître François Ferrebourg (qui est le même que le François Ferrebouc, licencié en droit canon, examinateur dans l’affaire du collège de Navarre). Là Rogier Pichart se mit à railler les clercs de François Ferrebourg, les insulta et cracha dans leur écritoire par la fenêtre. Les clercs sortirent, la chandelle allumée au poing, criant : « Quels paillards sont-ce là ? » Et Rogier Pichart leur demanda s’ils voulaient acheter des flûtes, entendant qu’il leur donnerait des coups de bâton. Il y eut une bagarre. Les clercs saisirent Hutin du Moustier et l’entraînèrent dans l’hôtel de Ferrebourg, tandis qu’il hurlait : « Au meurtre ! on me tue ! je suis mort ! » Les cris firent sortir François Ferrebourg, qui heurta Robin Dogis, et en reçut un coup de dague. Puis Robin laissa maître Ferrebourg à terre et remonta la rue Saint-Jacques. Il retrouva Rogier Pichart devant l’église Saint-Benoît. François Villon était rentré, et Rogier s’était enfui, la rixe devenant sérieuse. Robin Dogis dit à Rogier Pichart « qu’il estoit ung très mauvais paillart, » et rentra se coucher à l’hôtel du Chariot. Plus tard, Dogis, étant sujet savoyard, obtint rémission pour l’entrée à Paris du duc de Savoie. On voit bien que dans cette affaire, Rogier Pichart fut l’agresseur, et que François Villon disparut aussitôt qu’on se battit. Dogis appela Pichart « paillard » pour l’avoir laissé seul aux prises avec les clercs après avoir été la cause du tumulte. Mais le véritable instigateur de l’injure dut être François Villon. Il avait de la rancune contre François Ferrebourg, comme il en avait contre François de La Vacquerie. Tous