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sant à 40 mètres environ au-dessous du fond du détroit. Ces premiers travaux révélèrent deux circonstances du plus favorable augure pour l’avenir de Tentreprise. Pour creuser l’excavation, point n’était besoin d’explosifs ni d’autres moyens coûteux et lents. La craie grise se laissait facilement entamer par le tranchant d’une lame circulaire que faisait mouvoir une ingénieuse machine. En même temps, l’imperméabilité relative du terrain traversé s’affirmait, et l’on était autorisé à évaluer à 2 litres, au maximum, par minute et par mètre d’avancement de la galerie définitive, la quantité d’eau fournie par les suintemens : on avait donc l’assurance à la fois d’une prompte exécution et d’une dépense peu élevée, qualités essentielles qui, disons-le en passant, eussent fait défaut au projet de Thomé de Gamond, lequel prétendait enfoncer son tunnel jusque dans les roches dures, résistantes et profondes du terrain jurassique.

Les résultats obtenus étaient assez concluans pour permettre de dresser le projet définitif du tunnel. Sa largeur aurait été suffi santé pour contenir deux voies parallèles ; sa hauteur devait être d’au moins 8 mètres. Il cheminait tout le temps dans la craie grise, suivant les contours des deux pHssemens qui en dévient la direction aux approches de l’une et l’autre côte ; et, dans cette couche de la craie crise, il se tenait assez haut pour n’avoir pas à craindre le trop proche voisinage de l’argile du gault, assez bas pour qu’entre sa partie supérieure et le fond de la mer une suffisante épaisseur de terrain fut une garantie de sécurité. Des rampes, dont l’incHnaison ne diffère pas de celles adoptées sur toutes les lignes de chemins de fer, raccordaient la partie sous-marine du tunnel, du côté français, au réseau du Nord; du côté anglais, aux lignes du South Eastern et du Chatham and Dover. Sa longueur totale, entre ses deux points d’émergence, devait être d’un peu plus de 48 kilomètres, dont 36 kilomètres sous le détroit. Disposé dans le sens longitudinal, suivant une très faible courbure dont le point culminant était en son milieu, il se prêtait ainsi au facile écoulement des eaux, qui, recueillies aux deux extrémités dans des puisards, étaient définitivement évacuées par de puissantes machines. L’épuisement de cette eau d’infiltration, nous l’avons vu tout à l’heure, ne devait constituer une sujétion de quelque importance que tant que le muraillement ne serait pas complètement achevé. Une fois les parois revêtues d’une maçonnerie protectrice, les infiltrations seraient assez peu importantes pour que deux de ces pompes qu’on voit fonctionner sur les grandes exploitations houillères en vinssent à bout.

L’aération ne constituait pas une difficulté beaucoup plus grande. Dans cette galerie longue, il est vrai, mais de section régulière, les