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leurs conditions, interdire le travail aux ouvriers qui auraient voulu reprendre le chemin de la mine. Sous la protection d’une municipalité toute socialiste, ils ont fait ce qu’ils ont voulu. Là-dessus, une multitude de députés socialistes, anarchistes, même boulangistes, se sont hâtés d’aller s’abattre comme une volée d’oiseaux de proie sur la pauvre petite ville. Au lieu d’être des médiateurs, des pacificateurs, ils n’ont fait que pousser cette malheureuse population à la grève à outrance, à une lutte désespérée qui se résout pour elle en inévitables misères. Ils ont joué tout simplement le rôle de provocateurs sans scrupule. Abusant de leur mandat pour enflammer les passions, bravant les gendarmes qui, à la vérité, font une médiocre figure dans ces bagarres, menaçant ou essayant de compromettre le gouvernement, protestant contre toute velléité de protéger la liberté du travail. Eux, législateurs, obligés, sans doute, plus que d’autres à respecter les lois, ils sont les premiers à donner l’exemple du mépris des lois et de la sédition. On en est toujours là après un mois ! Et ce n’est pas tout : cette grève de Carmaux que les meneurs s’efforcent de prolonger, n’est visiblement qu’un épisode de ce mouvement de socialisme révolutionnaire qui tend aujourd’hui à se répandre, qui sévit à Marseille comme à Saint-Ouen, comme à Roubaix, qui se manifeste par l’illégalité érigée en système, par les programmes de guerre sociale à outrance et même par un projet de grève universelle voté récemment au congrès marseillais. C’est ce qu’on appelle prendre la « bourgeoisie » par la famine pour la forcer à capituler !

Les choses vont vraiment ainsi pendant qu’on pérore sur le centenaire de la révolution française ! De sorte que dans cette campagne d’agitation et de destruction qui se déroule librement à la surface du pays, tout se trouve à la fois compromis ou engagé : et l’autorité des lois audacieusement avilie et la paix publique livrée aux menaces de la sédition, et la liberté du travail outrageusement méconnue, et la fortune nationale attaquée dans sa source par ces étranges réformateurs qui parlent lestement de décréter la suspension universelle du travail, la grève générale. Contre tous ces défis et cette jactance révolutionnaire, contre ce que M. Challemel-Lacour appelait l’autre jour « des rêveries menaçantes, » que fait cependant le gouvernement qui après tout est chargé de défendre le pays à l’intérieur comme à l’extérieur ? Le gouvernement a pour sûr de bonnes intentions, il a aussi de bonnes paroles qu’il continuera à mettre dans les discours ; il ne manquera pas à la première occasion de témoigner sa considération pour la paix morale, pour la liberté du travail. De bonnes paroles, c’est encore quelque chose sans doute ; malheureusement, ce n’est pas tout, ce n’est plus assez pour garantir la France dans sa sécurité et dans sa puissance.

Est-ce l’influence du fléau répandu aujourd’hui dans une partie de