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développe dans ces conditions, de l’ardeur du soleil, on réussit à obtenir une maigre récolte qu’on pèse, qu’on analyse ; on soumet de même à l’analyse la plus grande partie du sable employé, et on compare l’azote introduit dans la graine à celui de la récolte ; l’expérience décide toujours dans le même sens : la plante n’a fixé aucune trace d’azote atmosphérique.

Ces cultures en sable calciné furent répétées de 1851 à 1854, elles portèrent sur des plantes variées et ne donnèrent jamais que des résultats négatifs. Elles étaient exécutées avec beaucoup de soins et semblaient devoir entraîner la conviction. Elles furent cependant hardiment contredites par M. George Ville. En répétant les expériences de M. Boussingault, le célèbre professeur du Muséum fut frappé de la gracilité des plantes qui croissent dans les sols absolument privés d’engrais azoté ; aussi se décida-t-il à opérer autrement. Au sable calciné, il ajouta non-seulement des engrais minéraux, comme le faisait M. Boussingault, mais, en outre, une quantité bien pesée et faible de nitrate ; il obtint ainsi des sujets vigoureux, bien constitués, qui, à la récolte, accusaient infiniment plus d’azote que n’en renfermaient la graine et le nitrate ajouté comme engrais.

Ces expériences délicates ne réussissaient pas toujours. Boussingault en France, MM. Lawes, Gilbert et Pugh en Angleterre, avaient en vain essayé de les répéter, et l’opinion flottait indécise entre ces affirmations contradictoires. L’Académie des Sciences, saisie du différend, décida qu’une commission serait chargée de le trancher en faisant répéter les expériences devant elle. M. Chevreul fut le rapporteur, et, bien que pendant la longue durée des essais on eût constaté des irrégularités qui laissaient subsister quelques doutes, Chevreul n’hésita pas à se prononcer en faveur de M. George Ville.

Boussingault, loin de se soumettre, continua d’affirmer que l’azote atmosphérique n’exerce aucune action sur la végétation et, bien qu’il n’apportât à l’appui de son opinion aucune nouvelle preuve décisive, il avait une telle autorité, qu’il entraîna la plupart des agronomes ; ils cherchèrent à expliquer la végétation persistante des prairies et des forêts en supposant que les herbes ou les arbres utilisaient à leur profit les faibles quantités d’ammoniaque que renferme l’air ou qu’apportent la pluie et la rosée.

Quand on étudie avec soin la circulation de l’azote combiné à la surface du globe, on reste convaincu cependant que, loin de s’enrichir, la terre s’appauvrit constamment au contraire au profit de l’océan. Tous nos sols cultivés produisent des nitrates qu’on retrouve parfois en quantités notables dans les eaux de drainage ;