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On était donc dans une grande indécision. Les uns, tenant pour exactes les expériences de M. George Ville, admettaient que les plantes saisissent par leurs- feuilles aussi bien l’azote que l’acide carbonique et que les gains constatés viennent d’une assimilation directe ; les autres, au contraire, très frappés des nombreux essais négatifs de Boussingault et des agronomes de Rothamsted, niaient cette fixation directe et attendaient de l’avenir l’explication des faits que les interprétations proposées laissaient indécises, quand, en 1885, M. Berthelot fit paraître son premier mémoire sur la fixation de l’azote par la terre arable[1].


IV

M. Berthelot avait remarqué que les sables jaunes qui se trouvent au-dessous des meulières et pierres siliceuses des plateaux de Meudon et de Sèvres, exposés à l’air pendant quelque temps, ne tardent pas à se couvrir de végétation ; il y détermina rigoureusement l’azote combiné, puis les exposa à l’action de l’air dans une chambre à l’abri de toute émanation. Il procéda à l’analyse à diverses reprises et vit lentement, mais constamment, s’accroître l’azote combiné ; le 29 mai 1884, on avait trouvé par kilo 0 gr.0705 ; le 30 avril 1885, un kilo renfermait 0 gr. 0833 ; le 10 juillet 0 gr. 1035 et le 24 octobre 0 gr. 1105. Un autre sable-jaune, une argile blanche, donnèrent des résultats analogues. Les mêmes expériences furent répétées avec les terres précédentes, en plein air : les pots étaient placés sur des tréteaux, dans une prairie, sous un toit qui les préservait de la pluie verticale ; une autre série d’expériences fut disposée au sommet de la tour de 23 mètres, dont on aperçoit la silhouette au-dessus des arbres de Meudon ; enfin, ces mêmes terres furent placées dans de grands flacons bien fermés.

En étudiant les terres, maintenues ainsi en observation pendant plus d’une année, M. Berthelot reconnut que l’augmentation de l’azote n’était due ni à de l’ammoniaque, ni à de l’acide azotique, mais à la formation de matières organiques. Pour connaître leur origine, pour savoir comment elles avaient été produites, M. Berthelot soumit des échantillons de ces divers sols à l’action d’une température de 100 degrés durant plusieurs heures, puis à celle d’un courant de vapeur d’eau prolonge cinq minutes. Pendant le

  1. Comptes-rendus, t. 101, p. 775. — Cette séance fut particulièrement mémorable ; c’est ce jour-là que M. Pasteur lut son mémoire sur la méthode à employer pour prévenir la rage après morsure (26 octobre 1885).