Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

racines des nodosités peuplées de bactéries ; ce sont ces bactéries qui sont l’intermédiaire nécessaire entre l’azote et la plante. La démonstration étant éclatante, on ne pouvait nier plus longienr.ps que ces micro-organismes jouissent de la puissance singulière de triompher de l’inertie de l’azote, et non-seulement MM. Hellriegel et Wilfarth expliquaient les propriétés améliorantes des légumineuses, mais en outre ils apportaient aux idées de M. Berthelot un solide appui.

Il faut maintenant pénétrer un peu plus avant et chercher comment les bactéries s’introduisent dans les racines, comment surtout la légumineuse bénéficie de leur présence. — Bien que ce sujet soit loin d’être complètement élucidé, on peut croire cependant que les tubercules des racines sont des productions déterminées par l’action des bactéries, comme les galles, si communes sur les feuilles, naissent des piqûres des insectes ; ces nodosités seraient utiles à la fois aux bactéries qui y pullulent et aux plantes sur lesquelles elles apparaissent. Les bactéries, trouvant dans le suc de la racine une nourriture appropriée à leurs besoins, peuvent s’y multiplier durant une infinité de générations et se répandre de nouveau dans le sol pendant la vie de la plante hospitalière, aussi bien qu’après sa mort. Quant à la plante elle-même, la bactérie lui fournit le moyen de se pourvoir d’un aliment extrêmement important, l’azote, qui est rarement dans le sol en quantité suffisante. La légumineuse profite mieux cependant que la bactérie, de cette sorte d’association, de symbiose, suivant l’expression consacrée. La légumineuse tire parti de la présence de la bactérie de la façon suivante. Dans la partie de la nodosité la plus voisine de la racine, apparaissent des cloisons qui retiennent les bactéries prisonnières. Après quelque temps, ces prisonnières périssent, leurs tissus se dissolvent et sont utilisés par la plante. À la partie la plus jeune de la nodosité apparaissent constamment, au contraire, des cellules nouvelles, renfermant de l’amidon qui se solubilise et fournit aux jeunes bactéries les matériaux carbonés nécessaires à leur développement. La plante se prépare ainsi de nouveaux alimens : quand la bactérie aura utilisé l’azote atmosphérique et formé dans ses propres tissus des matériaux azotés, ceux-ci seront résorbés par la légumineuse, et portés jusque dans ses organes aériens par des séries de vaisseaux fibro-vasculaires. La structure anatomique du tubercule est ainsi admirablement adaptée aux conditions de cette vie commune.

Suffit-il, pour être convaincu que c’est bien l’azote atmosphérique qui intervient dans le développement des pois, des haricots, des lupins semés dans du sable additionné de délayure de terre ou vaccinés avec le liquide des nodosités, de constater que l’azote