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volonté, ou plutôt de mauvaise volonté, pour ne voir en elle que l’élément réactionnaire. M. Brandes a craint, se disant historien de la littérature, qu’on ne lui fît remarquer, s’il s’en tenait aux événemens d’après 1815, que le parti romantique, quoi qu’on en ait dit, n’avait que bien peu de rapports non-seulement avec l’école romantique proprement dite, mais même avec la littérature ; et, comme il voulait être historien littéraire, il n’a pas osé ne pas étudier principalement le véritable mouvement littéraire romantique ; mais, perpétuant ensuite dans l’intérêt de sa thèse la confusion que l’esprit de parti a voulu établir entre l’école romantique et le parti romantique, il a écrit toutes ses considérations générales comme si réellement tout ce qu’il disait de celui-ci pouvait s’appliquer à celle-là. Il était d’ailleurs impossible à M. Brandes, étant donné son point de départ, de se tirer de ce chaos.

Si mauvais que soit ce commencement de « drame, » puisque M. Brandes voit un drame dans son œuvre, si incohérente que nous apparaisse cette action, où les événemens les plus importans du second acte sont antérieurs à ceux qui avaient formé le premier acte, voyons la suite, et abordons le troisième acte, le troisième volume : la Réaction en France. Disons tout de suite que c’est le moins rempli de tous. Dans les deux précédens, il y avait des matériaux, sans ordre ; dans celui-ci, il y a bien peu de chose. Mais M. Brandes voulait montrer la réaction triomphante, et ce volume-ci était donc nécessaire. Il l’a composé des miettes qu’il a pu trouver, d’écrivains qu’on retrouvera dans le volume sur l’école romantique en France, et qu’on n’aurait dû voir que là, et aussi d’écrivains qu’il n’avait aucune raison chronologique de ne pas rattacher au groupe formé par Chateaubriand, Mme de Staël, etc., mais dont les noms auraient faussé sa théorie sur l’ensemble du groupe, et qu’il gardait d’ailleurs soigneusement pour ce volume, afin d’avoir quelque chose à y mettre pour donner un semblant d’appui à ses discussions politico-religieuses.

Des chapitres entiers s’intitulent : la Révolution, le Concordat, le Principe d’autorité, etc., tous sujets qui, même étant donné le plan de M. Brandes, eussent été mieux à leur place dans son premier volume. Puis c’est une étude, ou plutôt une réfutation, des principes de Bonald ; et ensuite un retour à Chateaubriand, une étude de sa conception de l’amour dans les Martyrs. On se demande ce que cela vient faire dans ce troisième volume, puisque les Martyrs datent de la période même étudiée dans le premier. Mais il fallait remplir ce livre sur la Réaction ! C’est pour cela que M. Brandes y admet encore comme principal personnage Mme de Krüdener, sur laquelle il disserte interminablement pour l’unique raison qu’elle a été quelque temps la conseillère du tsar Alexandre,