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qui joua un rôle actif dans la croisade contre l’esclavage, Mrs Edna Cheney, que j’eus l’honneur de connaître chez Mrs Howe, a mieux que personne parlé de Lucy Stone en l’opposant à deux ou trois viragos dont les noms reviennent toujours en Europe lorsqu’on fait mention des suffragistes américaines. Mrs Cheney, elle aussi, a été un apôtre ardent de l’émancipation des femmes, mais tout son zèle semble se concentrer aujourd’hui sur l’admirable hôpital de femmes et d’enfans, — New England hospital for women and children, — desservi par des femmes médecins. Mrs Cheney est présidente du conseil d’administration et figure parmi les directrices.

On sait que la première école de médecine dédiée aux femmes s’ouvrit à Boston en 1848. Il n’en existait alors aucune autre dans le monde ; maintenant elle est incorporée dans la Faculté de médecine de l’Université. La ville de Boston compte jusqu’ici 39 doctoresses allopathes, 41 homéopathes, plus 89 pratiquans sans diplôme, car le Massachusetts n’a pas de loi touchant la pratique de la médecine. Nous retrouverons ailleurs ces irrégulières.


IV. — MISS ANNA TICKNOR. — SOCIÉTÉ D’ENCOURAGEMENT A L’ÉTUDE CUEZ SOI. — LES BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES

Miss Ticknor personnifie une œuvre très originale dont elle eut l’initiative et qui, sans fracas, a des résultats presque incalculables : je veux parler de la société d’encouragement à l’étude chez soi. La première idée de cette association lui est venue d’Angleterre où de bons esprits avaient découvert une grande vérité, à savoir que le travail est plus que toute autre chose nécessaire au bonheur, et qu’il faut plaindre, comme s’ils étaient des pauvres, ceux qui n’ayant pas à gagner leur vie, sont incapables de la remplir par une occupation absorbante. D’abord elle se proposa seulement de diriger par correspondance des jeunes filles à leur sortie de l’école, et de les aider ainsi à poursuivre leur vie intellectuelle trop vite abandonnée le plus souvent. Puis son idée s’élargit : « Il me sembla, dit-elle, que nous pouvions arriver à augmenter pour toutes les femmes, même pour les plus humbles, la valeur fondamentale du foyer, en leur procurant l’occasion de penser, en leur rendant familières les conceptions de grands esprits qui iraient leur tenir compagnie tandis que leurs mains seraient occupées à la besogne quotidienne ; il me sembla que ces femmes-là se trouveraient bien d’ouvrir les yeux aux merveilles de la nature dans le coin de campagne le plus déshérité et d’apprécier l’art quand, par hasard, il passerait sur leur chemin. »