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stand) jusqu’à ce que la résolution fût connue et l’envoi des troupes prêt à partir[1].

« Si on nous tient ce langage quand c’est notre concours dont on a besoin, que serait-ce donc, s’écriait l’impératrice, si c’était nous qui demandions à être secourus ? » Et, la conférence immédiatement réunie, la trouve dans un état de véritable indignation. Ce qui la blessait surtout, c’est qu’après lui avoir disputé, contesté, réduit de toute manière, dans les Pays-Bas, l’exercice de ses droits de souveraineté, on voulût maintenant lui laisser porter à elle seule toutes les charges de la défense, sans que l’Angleterre offrît de faire mouvoir un de ses soldats pour lui prêter appui. Le débat, engagé dans de telles dispositions, fut très vif, et l’impératrice eut pour elle tous ceux qui, sans partager ses ressentimens, trouvaient pourtant à la fois étrange et pénible que l’Autriche, n’ayant ni marine, ni colonies, courût au-devant d’une guerre redoutable, uniquement pour une querelle engagée, au-delà de l’Océan, dans des parages dont à peine connaissait-on la situation et même le nom. Mais qu’on le veuille ou non, répondaient d’autres, et quel qu’en soit le sujet, la guerre est là, elle est devenue inévitable, et l’Autriche n’ayant d’autre alliée que l’Angleterre, si elle l’abandonne ou la laisse succomber, c’est alors que, restée elle-même sans soutien et dans l’isolement, elle sera le jouet de l’ambition française ou prussienne.

Entre ces sentimens contraires, soutenus avec une chaleur égale, Kaunitz intervint à la dernière heure comme modérateur avec une proposition moyenne, qu’il eut l’art de faire accepter. Sans se refuser entièrement à l’envoi de troupes demandé, l’Autriche en réduirait le chiffre à douze mille hommes (environ la moitié de ce qui était attendu), mais sous la condition expresse qu’un contingent égal serait fourni par l’Angleterre et par les Hollandais et que la conclusion du traité préparé avec la Russie serait assurée. En compensation, et par une juste réciprocité, l’impératrice s’engageait à défendre l’électorat de Hanovre si la Prusse et ses alliés venaient à l’attaquer[2]. L’offre était plus généreuse en apparence qu’en réalité, car on y reconnaissait aisément un prétexte assez bien imaginé pour garder le gros de ses troupes sous la main, afin de faire face, le cas échéant, au voisin détesté, à l’ennemi par excellence.

De telles propositions étaient trop éloignées des exigences de

  1. Holderness à Keith, 31 mai 1755, Coxe, House of Austria, t. V, p. 59. — Beer, p. 295.
  2. Arneth, t. IV, p. 318. — Beer, p. 303-304. — Coxe, t. V, p. 56 et suiv. — Beer. p. 317.