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prolongeant la régence, l’état de choses qui servait leurs personnes et leurs idées. Dès leur première convocation, ils obtinrent, tant leur zèle se fit empressé et sut plaire, qu’ils seraient régulièrement assemblés. Dès lors ils se persuadèrent et persuadèrent l’impératrice que la victoire seule pouvait ouvrir à Napoléon III les portes de la capitale ; que, s’il tentait d’y revenir, il y risquerait sa couronne et sa vie ; que, pour sauver l’empire, il fallait faire le silence et l’oubli sur l’empereur : qu’elle seule, restée populaire, pouvait, jusqu’au retour d’une meilleure fortune, garder en dépôt les droits de son époux et de son fils. Confirmée dans ses désirs, l’impératrice eut espoir, foi, superstition en sa régence. Ainsi des hommes nommés par l’empereur usaient, pour mettre leur souverain hors le pouvoir, du pouvoir qu’il leur avait laissé. Leur influence avait raison des scrupules faits pour troubler l’impératrice : l’ambition de la femme disparaissait à ses propres yeux sous les devoirs de l’épouse et de la mère. Et celle que Napoléon III avait tant aimée croyait se dévouer à son tour en régnant à sa place.

Or des deux combinaisons militaires entre lesquelles il fallait choisir, l’une ramenait avec l’armée l’empereur à Paris ; s’il rentrait dans Paris, il y reprenait la direction du gouvernement, la régence prenait fin. L’autre combinaison, maintenant la guerre en Lorraine, retenait au milieu des troupes Napoléon III qui, prisonnier de l’honneur, ne voudrait pas revenir en tournant le dos au danger, elle perpétuait la régence. L’impératrice et son conseil se trouvèrent donc favorables au second parti : le meilleur plan de campagne était celui qui leur assurait l’autorité. Maintenir l’empereur à l’armée et l’armée loin de Paris devint l’idée maîtresse de leur politique.

M. Emile Ollivier avait demandé, au contraire, pour sauver la France d’abord et ensuite l’empire libéral, que l’armée revînt sous Paris et Napoléon aux Tuileries. Cette opinion lui fit à la cour plus de tort que la déclaration de guerre, et le 9 août, pour renverser l’adversaire de la régence, les députés dont disposait l’impératrice s’étaient unis à ceux dont disposait M. Rouher. La succession faillit échoir à M. Haussmann, mais il réclama de même le retour des troupes et du souverain, et ses chances s’évanouirent. La même raison, plus que tous les prétextes, détourna du général Trochu le choix de l’impératrice. Au contraire, quand on sut que Montauban ne voulait pas de retraite sous Paris, ce fut le meilleur de ses titres. C’est par une préférence toute militaire que le général avait adopté son plan, mais quand il vit que ce plan lui donnait, en attendant la victoire, le pouvoir, la faveur