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femme. Rapide comme un acte de passion, l’issue de la crise vint surprendre Napoléon III le jour qu’il en apprit le commencement. Lui-même, incapable de substituer, de cette distance et sur l’heure, à cette combinaison une combinaison différente, se trouvait impuissant à défaire ce gouvernement qu’il n’eût pas fait, et dut signer l’acte qui substituait à la politique de l’empereur la politique de la régence. Ainsi, au moment où la dynastie avait le moins de titres à imposer ses vues personnelles, elle revenait à ses origines par un retour vers le pouvoir absolu. Le pays dont, à la veille de la guerre, l’unique souci paraissait la liberté, ne sembla pas même s’aviser du changement, comme si la pensée publique était remplie de la guerre seule, et le ministère fut accepté sans répugnance, parce qu’on le voyait tout entier en son chef, un homme de guerre renommé.

Le nouveau ministère justifia son avènement par l’énergie et l’activité de ses premières mesures. Le 12, Lebœuf était invité à résigner ses fonctions de major général. Le 13, l’armée réunie sous Metz, et qu’on appelait encore l’armée du Rhin, cessait d’être commandée par l’empereur et passait sous les ordres de Bazaine. Si Trochu n’était pas au poste que lui avait assigné le vœu public et ne devenait pas davantage le gouverneur de Paris, il était placé à la tête du 12e corps, le premier que Montauban forma pour renforcer nos années[1]. Car il ne suffisait pas de nouveaux chefs, il fallait de nouveaux soldats.

Nous avions commencé la guerre avec une force réelle, l’armée active, et une force apparente, la garde mobile.

La première comprenait les Français de 21 à 27 ans qui, désignés par le sort, avaient été incorporés et instruits dans les corps de troupes, au total sept contingens et 500 000 hommes[2]. 250 000 avaient été envoyés à l’ennemi. Il restait en France, en Algérie et à Givita-Vecchia treize régimens d’infanterie, quatre d’infanterie de marine, quatorze de cavalerie, et vingt-quatre batteries, soit 60 000 hommes prêts à faire campagne. Le reste, dispersé dans les places fortes et les dépôts, n’était pas disponible ou pas encadré.

  1. Il y avait 7 corps opposés à l’ennemi. Les termes de 8e, 9e 10e et 11e corps désignaient des commandemens territoriaux et non des troupes. C’est pourquoi, dans l’ordre des corps combattans, le 12e suivit immédiatement le 7e.
  2. La loi de 1868 avait transformé le service de sept ans en un service de neuf ans, dont cinq dans l’armée active et quatre dans la réserve. Elle devait donner neuf contingens au lieu de sept. Mais en 1870 elle n’avait pas eu le temps de produire ses effets. Cinq classes, 1865 à 1869, étaient sous les drapeaux, et seuls les soldats de la classe 1864 et 1863, sortis de l’armée active en 1868 et 1860, formaient la réserve, soit au total sept contingens.