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l’entretien que j’allais avoir avec le premier ministre du sultan. Ce document ne peut manquer d’intéresser le lecteur et je le reproduis textuellement en omettant la partie concernant le mauvais accueil fait à mes démarches en faveur de Vely-Pacha et de son père.

Le chargé d’affaires : — Il est des situations qui, en se prolongeant, amènent fatalement les plus graves complications. Pour les prévenir, je ne connais qu’un moyen, c’est de s’expliquer nettement en temps opportun, et c’est ce qui me conduit aujourd’hui auprès de Votre Altesse.

Le grand-vizir : — Que s’est-il donc passé ?

Le chargé d’affaires : — J’ai d’abord une question à poser à Votre Altesse. N’ai-je pas constamment employé tous mes soins à écarter les difficultés qui ont pu surgir depuis plus d’un an que j’ai l’honneur de gérer l’ambassade, à préserver de toute atteinte les rapports qu’elle est tenue d’entretenir avec la Porte ?

Le grand-vizir : — Certainement, je me plais à le reconnaître.

Le chargé d’affaires : — J’ai le regret de ne pouvoir émettre la même opinion sur la conduite de quelques ministres du Sultan. J’avais remarqué que, dans plusieurs circonstances, l’ambassade n’avait pas été l’objet de certains égards qui lui étaient dus ; j’ai cru pouvoir en attribuer la cause à des exigences dont on avait peut-être raison de tenir compte.

Le grand-vizir : — Mais les affaires qui concernent la France n’ont-elles pas été expédiées par moi selon vos désirs ?

Le chargé d’affaires : — Je reconnais avec empressement que plusieurs réclamations de l’ambassade ont été favorablement accueillies. Il s’est produit cependant plusieurs incidens qui m’autorisaient à penser que la balance n’était pas toujours tenue d’une manière égale. (Ici le chargé d’affaires cite quelques faits qui ne sont pas contestés par Rechid-Pacha.) Je me suis abstenu, dans un esprit de conciliation, de les signaler. J’espérais que le temps et une plus saine appréciation des relations actuelles de la France avec la Turquie modifieraient des dispositions qui ne m’avaient pas échappé. Malheureusement il n’en a pas été ainsi — Ici le chargé d’affaires développe ses observations relatives au démêlé du grand-vizir avec Mustapha-Pacha, auxquelles Rechid-Pacha a répondu en s’animant :

Le grand-vizir : — Mustapha-Pacha est un menteur ; vous n’écoutez que lui ; c’est un homme grossier, un Albanais. Il a insulté le président du conseil ; il ne peut pas manquer impunément à la considération due à un fonctionnaire aussi élevé.