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importe de conduire et de distribuer un personnel diplomatique.

Reste la question de recrutement, après celle de la résidence. Pas plus que dans aucun autre service, on ne saurait évidemment admettre tout venant dans la diplomatie sans en exiger certaines garanties. Mais, d’autre part, nul ne peut être désigné pour résider auprès d’un ambassadeur s’il n’est, matériellement, en situation d’y occuper un rang digne de ses fonctions. Or, le partage de la fortune familiale se renouvelant à chaque génération en France, les mieux munis ne sont pas tous en mesure de s’imposer les sacrifices que comportent le séjour dans une capitale et le milieu où se réunissent les diplomates. J’ai vécu dans un temps où l’on n’exigeait, des jeunes candidats, aucune preuve de capacité personnelle. C’élait un grave inconvénient et même un danger ; on voyait, en effet, affluer, aux affaires étrangères, les déshérités intellectuels qui n’avaient même pas osé frapper aux portes des écoles de l’Etat. On a voulu y remédier, et on a élaboré des programmes, institué des concours qui rendent l’accès du ministère d’une difficulté extrême. Qu’est-il arrivé ? qu’une jeunesse laborieuse et instruite, le plus souvent sans fortune, a fatalement encombré les premiers rangs de la carrière ; seulement, quand on a voulu employer cette jeunesse à l’étranger, on s’est heurté à l’insuffisance de la rémunération qu’on pouvait lui attribuer. On a élevé le traitement des grades inférieurs ; mais cet expédient n’a pu être porté au niveau des nécessités auxquelles il fallait pourvoir. On est sorti d’un excès pour tomber dans l’excès contraire, de l’admission sans nulle entrave à l’admission accessible seulement à quelques rares esprits privilégiés par la nature.

En présence de ces mécomptes, les esprits compétens en sont venus à penser unanimement, je crois, qu’on ne saurait assurément se dispenser d’imposer aux candidats de sérieuses épreuves ou d’exiger qu’ils soient munis d’attestations universitaires comme le diplôme de licencié et même celui de docteur en droit, ou d’autres documens, comme le diplôme délivré, après examens, par l’école des sciences politiques, institution précieuse qui a comblé une lacune béante dans notre enseignement supérieur, devenue, à juste titre, la pépinière des candidats sérieux à toutes les carrières administratives. Ces garanties, avec la connaissance de langues étrangères, ont paru suffisantes, et, pour ma part, je me persuade qu’elles peuvent suppléer, dans une juste mesure, à la vaste érudition sur des matières très variées exigée par les programmes imposés, depuis quelques années, aux aspirans diplomatiques. Cette érudition n’est certes pas une superfétation, mais