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rino, et le mettait à profit. Pour distraire son ennui, la recluse élargit une fente de la muraille et communique bientôt en paroles avec un jeune et aimable voisin. Mais comment recevoir Philippe en ses appartemens ? Cependant, la fête de Noël approchait, la Pasqua di Natale. Elle demande au marchand la permission de se rendre à l’église afin de s’y confesser « et d’y communier, comme font les bons chrétiens ». Notre jaloux est fort troublé par cette pieuse requête. Sa femme a donc des péchés sur la conscience ? S’il pouvait en recevoir lui-même la confidence ! « Vous n’irez qu’à notre chapelle et ne prendrez que notre aumônier ou tel autre prêtre qu’il vous donnera pour vous entendre. » « La dame comprit alors à moitié. » Le matin de Noël, à l’aurore, elle se rend à l’église où se trouve la chapelle patrimoniale de son mari. Celui-ci l’y avait devancée, et, d’accord avec l’aumônier, déguisé en prêtre, la tête dans un vaste capuchon serré aux joues, il attendait, assis au chœur. Il tenait des cailloux dans sa bouche, afin de changer sa voix. L’aumônier le montre dans l’ombre comme le confesseur du jour, et la dame, qui achève aussitôt de comprendre : « C’est bien, dit-elle, je vais lui donner ce qu’il est venu chercher. »

Elle le lui donne, en effet, et très libéralement. « Mon Père, j’aime un prêtre qui, chaque nuit, vient chez moi. C’est un vrai sorcier : il ouvre les serrures rien qu’en les touchant et quant à mon mari, il l’endort par des paroles magiques. » Le confesseur, très déconfit, furieux, gronde, tempête, refuse l’absolution, menace des feux de l’enfer. Il promet néanmoins de prier pour cette âme en perdition, impose la pénitence et sort du saint réduit soffiando, en soufflant de rage mal étouffée. Elle, très calme, « se releva et alla entendre la messe. »

Les époux se retrouvent à la maison, le mari, farouche, la femme, heureuse de voir, sur le visage de son seigneur, « quelle mauvaise Pâques elle lui avait donnée. » Le soir venu il feint d’aller dîner en ville ; mais il se cache, entouré d’un véritable arsenal, dans une chambre du rez-de-chaussée, attendant le prêtre nocturne, décidé à le massacrer sur place. La femme avertit le jouvenceau qui promet de descendre chez elle par le chemin du toit. Philippe tient scrupuleusement sa promesse et le marchand de Rimini veille toute cette nuit, l’oreille au guet, transi de froid, écrasé de sommeil. Plusieurs nuits se passent ainsi, le mari, à demi gelé et terrible, au pied de l’escalier, Philippe se coulant par une lucarne et la pénitente très peu soucieuse des flammes de l’enfer. La colère du jaloux finit par faire explosion. « Le nom du prêtre ! » crie-t-il sottement. Elle lui rit au nez. L’inévitable explication tourne à la confusion du jaloux. « Tu n’es qu’une