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DES FLEURS


A ton jeune tombeau, funéraires offrandes,
Des fleurs du bois, du fleuve et du pré printanier,
Songeant que tes doigts purs les cueillaient l’an dernier,
Seule et triste je viens suspendre les guirlandes.

Tes yeux se sont ouverts aux clartés souterraines
Et l’aube sans aurore a pâli ton front clair ;
Voici des fleurs sentant le parfum de ta chair,
Les fleurs des vergers clos et les fleurs riveraines.

Tes mains s’entrelaçaient si lasses et si lentes
Aux miennes, délaissant les bouquets oubliés,
Que nos doigts à jamais en sont restés liés ;
Ma tristesse a tressé ces tiges indolentes.

Elle en arrondira les couronnes fermées,
Elle entremêlera les vivantes couleurs
Et je te reviendrai les bras lassés de fleurs,
Car celles du retour sont les plus embaumées.

Mais seras-tu fidèle aux tendresses lointaines,
Suivras-tu le fantôme incertain d’un amour
Funèbre ? Oublieras-tu les fraîches fleurs du jour
Pour la floraison d’ombre éclose en tes mains vaines ?

Voici les fleurs du bois, les fleurs de la prairie,
Voici les fleurs de l’air, voici les fleurs de l’eau,
Et le doux soir s’effeuille aussi sur ce tombeau
Pour qu’à la Vie en pleurs la Mort en fleurs sourie.


ATTRAIT DE L’EAU


Que ce frêle feuillage et ce souple lierre,
Et ces fleurs fraîches en guirlande printanière
S’entrelacent parmi nos cheveux lourds et lents ;
Que sur nos jeunes fronts tremblent les iris blancs
Et les jonquilles d’or et les mauves pervenches.
Viens. Je tiendrai ta robe afin que tu te penches,
Rieuse, sur cette eau dont hausse le miroir
La Nymphe aux yeux rieurs et clairs que tu vas voir ;