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cliens qui dissertent à Athènes et ailleurs, le gouvernement grec a imposé des droits d’inscriptions à la charge des étudians de l’Université, afin de débarrasser la Grèce d’un certain nombre de dialecticiens ou de politiciens. Mesure dont on ne saurait trop approuver la sagesse. À peine échappé à la domination turque, et sans apprentissage préalable, le Grec moderne a reçu d’un seul coup toutes les libertés qui, de nos jours, peuvent appartenir à un citoyen : liberté politique, suffrage universel, instruction publique, liberté de la presse ; beaucoup de Grecs prudens trouvent qu’une arme n’est bonne qu’à qui sait la bien manier, et pour de bonnes fins. Il faut convenir que les libertés modernes sont particulièrement dangereuses en un pays qui a toutes les misères avec toutes les ambitions. La Grèce manque absolument de capitaux, ce qui n’empêche pas ses rhéteurs socialistes de faire des conférences publiques sur la « tyrannie du capital », une thèse que Gorgias aurait regret de n’avoir point connue. De nos jours, comme jadis, c’est la politique et les politiciens qui ont perdu la Grèce. Ecoutez tous ceux qui ont suivi de près les affaires de ce pays, ils vous diront que l’autorité, au lieu d’y être regardée comme la gardienne de l’ordre public, y est devenue un instrument au service des partis ; que, aux yeux de l’administration, une seule classe de citoyens mérite protection et sollicitude, à savoir les partisans du gouvernement : tout citoyen qui n’est pas rangé sous « la bannière gouvernementale » est considéré comme un « ennemi ». On ajoute que, l’administration étant tout, les députés ont une seule chose à cœur : se maintenir dans ses bonnes grâces. Nommés pour faire principalement les affaires de leurs électeurs, ils soutiennent les ministres qui les y aident. Quand on nous fait encore le tableau de l’ingérence des députés dans la nomination des fonctionnaires, choisis par faveur, devenus des agens politiques et chargés de la défense d’intérêts individuels ; quand on nous montre cette ingérence s’étendant à la distribution de la justice, grâce au droit, qu’a le gouvernement de déplacer les magistrats et de les avancer ; quand, enfin, on nous décrit l’empiétement des députés sur les choses de l’armée, l’immixtion de la politique aboutissant à la désorganisation des différens services, à l’indiscipline et au favoritisme, les députés distribuant exemptions et dispenses, assurant même l’impunité aux déserteurs et aux insoumis ; le droit donné à tout officier de se présenter aux élections, la politique enfin présidant à la formation