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quelques jours ils seraient à Châlons, car on ne comptait rencontrer aucune résistance, et le pays tout entier allait se soulever pour accompagner la marche triomphale des défenseurs de la royauté. C’est ce moment que choisirait le marquis pour donner le signal qu’attendaient ses affiliés. Les dix mille hommes qui se grouperaient à son appel entraîneraient indubitablement les provinces voisines : il s’avancerait vers Paris à la tête de ces volontaires que suivrait une formidable levée de paysans, de gentilshommes, de gardes nationaux, de troupes de ligne dans un irrésistible mouvement de contagieux enthousiasme. Les deux armées devaient se rencontrer sous les murs de Paris, — les Princes d’un côté, la Rouerie de l’autre, — délivrer le Roi, disperser l’Assemblée et mettre les Jacobins à la raison.

Telle était la confiance qui régnait à Coblentz et aussi en Bretagne que le succès ne faisait question pour personne. Ce n’était pas une guerre qu’on entreprenait, mais bien une simple démonstration ; pourtant, il faut dire que, tout en étant, comme les Princes, assuré du résultat, le marquis se montra, beaucoup plus queux, avisé et prudent. Prévenu que certaines municipalités s’inquiétaient des enrôlemens qui se faisaient au château de la Rouerie, il prétexta les craintes que lui inspiraient des bandes imaginaires de brigands qui l’avaient menacé à diverses reprises. Tantôt ces brigands se massaient, assurait-il, dans les landes de Crollon, tantôt ils étaient censés s’avancer jusqu’aux bois de Blanchelande. Quoi d’étonnant, à ce que, dans cette extrémité, il fît appel au concours de ses concitoyens ? les paysans venaient s’offrir pour le soutenir en cas d’attaque, et ainsi se trouvaient expliquées les allées et venues qui intriguaient les officiers des municipalités voisines et les moyens de défense, — sentinelles, barricades ou patrouilles, — qui faisaient de son château un véritable camp retranché.

Cette précaution prise, afin de justifier des mouvemens qu’on ne pouvait dissimuler, le marquis convoqua les présidens de tous ses comités d’insurrection à un rendez-vous général. Il les avait déjà groupés, partiellement du moins, en des conseils secrets tenus, la nuit, soit au château du Rocher-Portail, près de la Celle-en-Cogles, soit dans le pavillon de Plaisance, perdu au cœur de la forêt de Gâtine ; mais il voulait, avant d’ouvrir la campagne, tenir des assises solennelles auxquelles figureraient tous les chefs de la conjuration. Le château de la Rouerie fut