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les Orange-Nassau ne lui ont manqué. Parfaits, ou plus près de l’être, si elle eût eu moins à leur pardonner, peut-être les eût-elle moins aimés.

Ils sont pour elle tout ensemble plus et moins que des rois. République, elle les eut d’abord pour stathouders, pour magistrats électifs ; plus tard, de 1747 à 1795, pour princes héréditaires ; depuis le 16 mars 1815, elle les a pour rois constitutionnels. La Hollande n’est donc pas monarchiste, elle est dynastique ; la monarchie n’y a que des racines trop courtes, beaucoup plus courtes que la dynastie ; et le titre ici importe peu, pourvu que ce soit à la personne d’un Orange qu’il soit attaché. La Hollande républicaine s’est facilement changée en monarchie sous un Orange : la Hollande monarchiste redeviendrait aisément république sous un Orange : l’étiquette à donner au gouvernement ferait à peine question ; et, au surplus, il n’est guère de république aussi républicaine que cette monarchie. Tous les liens apparens ne sont que des fils, sauf celui-là ; mais celui-là ne peut être rompu : et c’est celui qui unit les Pays-Bas à la maison d’Orange. D’autres noms ont occupé, d’autres familles ont traversé la vie de la nation néerlandaise : elle a eu pour grands pensionnaires des Oldenbarnevelt, des De Witt, des Heinsius, des Schimmelpenninck ; mais ils n’ont fait que la traverser, dans les intervalles des Orange : les Orange seuls l’ont remplie. Aussi est-ce sans exagération que les cantates et les allégories faisaient saluer la jeune reine par toutes les gloires de la Hollande en tous les temps, et par toutes les grandeurs de tous les arts : que la poésie la saluait par Vondel, la peinture par Rembrandt, la musique par Sweelinck ; et que, comme de toutes les époques, la nation, fidèle et reconnaissante, saluait de toutes les provinces, « des pays du Nord et du Sud, et de partout où est la patrie, » celle qui est désormais « la Dame de Néerlande, » la Princesse de Nassau. — Oranje in ziel en zin, — l’âme et le cœur des Orange.


V

Le nouveau règne s’ouvre sous d’heureux auspices. Dans un pays où les hommes de valeur abondent, la jeune reine est, en ce moment, entourée d’hommes d’une valeur exceptionnelle, parmi lesquels il faut au moins citer M. Pierson, ministre des Finances et ministre dirigeant, M. de Beaufort, ministre des Affaires