Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et mes envieux, la confiance qu’on a désiré que je prisse auprès de la Reine est établie… Je m’oblige à CII (au Roi) sur ma tête d’empêcher toute caballe, menée et monopole ; ou, si je ne le puis, non seulement m’obligè-je à lui en donner avis, mais le lui donner à temps pour porter remède. » Puis il donne des détails précis sur la conduite de la Reine : « Elle a voulu écrire à la maréchale d’Ancre ; car j’ai su qu’un soir elle avait fait sortir une de ses femmes de chambre et avait demandé de l’encre et du papier… mais certainement elle ne lui a pas écrit. » A Luynes, encore le 12 : « Surtout ne vous étonnez pas de ce que vous orrez ; car je veux mourir si le Roi, et vous en particulier, n’avez contentement de la Reine Mère et si vous n’avouez un jour que j’ai fait auprès d’elle ce que doit faire un homme de bien… »

Le 18 mai, à Déagent, en se servant du chiffre qu’il en avait reçu : « Je suis grandement et plus que je ne puis dire obligé à CII (au Roi) et à 158 (Luynes) de la confiance qu’ils ont en moi ; s’ils y sont trompés, je supplie Dieu qu’il ne me pardonne jamais. L’esprit de CXIII (la Reine Mère) est et sera tel que vous sauriez désirer… CXIII (la Reine) a voulu faire tenir publiquement son conseil à 123 (Richelieu) comme chef d’icelui, ce qu’il n’a fait, attendant que CII (le Roi) l’ait agréé, quoiqu’il sache bien en général être envoyé ici par CII (le Roi) pour servir CXIII (la Reine Mère) ainsi qu’il lui plaira. » La Reine est toujours en soupçon ; mais Richelieu l’endort, « vu la franchise avec laquelle je lui ai parlé. » Et de fait, depuis ce temps-là, « la bonne chère de Sa Majesté qui m’a toujours fort bien traité est fort augmentée… » « M. de Villesavin chemine bien, comme aussi Mme de Guercheville. » Tout cela frise bien une sorte d’espionnage. Aussi Déagent ne se gêne pas pour écrire à l’évêque lui-même qu’on l’en accusait ouvertement à Paris.

Malgré ces preuves et ces protestations incessantes de la part de l’évêque, du côté de la cour on reste froid. Plus il avance, plus on recule. On l’accuse toujours, il se défend sans cesse. Son langage est si chaud qu’on ne peut le croire sincère. D’ailleurs, ce qu’on craint, ce ne sont pas ses actes, mais lui-même. C’est encore un mot du nonce Bentivoglio : « Il est odieux parce qu’il a trop de mérite, di troppo spirito. » Tantôt, on se plaint qu’il fomente des troubles à l’intérieur, tantôt il cabale avec l’Espagne, tantôt il invite la Reine à recevoir de hauts personnages, des ambassadeurs ; puis on l’implique au procès de la maréchale