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observatoire des Pères Jésuites à Sicawei, près de Shanghaï, des dessins exécutés par de jeunes Chinois, pour les planches d’une publication sur la faune de l’Extrême-Orient. Ils comportaient entre autres des pièces de squelettes d’animaux divers, sur lesquelles on voyait constamment reproduites, malgré les objurgations des missionnaires, les moindres fêlures accidentelles. Il n’est pas impossible de faire prendre aux Chinois des habitudes nouvelles ; mais c’est une difficulté presque surhumaine que de les déterminer à modifier celles qu’ils ont une fois contractées, celles surtout que leur ont léguées leurs ancêtres. On peut leur apprendre le métier de chauffeur ou de mécanicien ; on ne saurait obtenir d’un menuisier qu’il change ses méthodes de travail. À l’orphelinat qui fait partie des établissemens de Sicawei, je visitais l’atelier de menuiserie ; à chaque établi ne travaillait jamais qu’un seul ouvrier. En me le faisant remarquer, le Père qui me guidait ajouta qu’ils se refusaient absolument à travailler à deux, parce que ce n’était pas l’usage : les plus jeunes orphelins voient travailler les plus âgés ou les adultes restés au service de la mission et tiennent à suivre les mêmes habitudes.

Pour réveiller un peu d’originalité et d’esprit d’invention chez ce peuple qui les a perdus, pour détourner vers l’avenir ses regards obstinément fixés sur le passé, il faudra sans doute des générations et un contact intime et prolongé avec les hommes et les choses de l’Occident ; ce contact commence à peine. Avant de produire ses pleins effets sur la race, il pourra cependant en avoir sur la terre chinoise ; il devra permettre la mise en valeur de ses ressources, et les richesses qui dorment actuellement inexploitées dans cet immense territoire ne seront plus perdues pour l’humanité. Si l’œuvre du développement économique de la Chine est entreprise par les Européens surtout dans un but égoïste d’intérêt personnel, il n’en est pas moins vrai qu’elle améliorera forcément dans une large mesure les conditions d’existence du peuple chinois, ne fût-ce qu’en étendant le champ de son activité, à présent bornée à l’agriculture et à la petite industrie, et en permettant à la main-d’œuvre surabondante de s’employer à l’exploitation du sous-sol, aussi négligée dans le Céleste Empire que celle du sol lui-même est perfectionnée. Si, comme nous le croyons, les grandes inventions industrielles, conséquences des découvertes scientifiques, ont, à elles seules, réellement contribué à rendre plus doux le sort des populations européennes, leur introduction