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est évêque, a pris sa défense. Une discussion très vive s’est même engagée à son sujet entre les deux cours.

Dès la nouvelle de l’arrivée de l’évêque de Luçon à Avignon. le pape Paul V, au cours d’une conversation avec l’ambassadeur de France, Denis de Marquemont, lui dit qu’il avait appris par les bruits de Rome que l’évêque était obligé de rester à Avignon. Il ajouta, — ce sont les propres termes dont il se servit : — « qu’il serait bien aise de n’avoir pas ces personnes-là dans la dite ville, » et il dit en propres termes : « Que deviendra la résidence qu’il doit en son évêché ; et que dira le monde de le voir interdit d’aller où son devoir l’oblige ? » Le pape manifesta le regret qu’on ne se fût pas, du moins, servi de l’autorité du nonce pour donner, à un évêque, un tel commandement.

Il revint sur ce sujet quelque temps après, signalant l’inconvénient que présentait le séjour de l’évêque de Luçon à Avignon, « de crainte qu’il n’aille faire quelque chose qui déplaise à Votre Majesté. »

Mais la cour de France se fâcha. Louis XIII lui-même écrivit à son ambassadeur : « Tant s’en faut, dit-il, que cet évêque vaquât aux exercices de sa profession, qu’il faisait pratiques préjudiciables à mon service. » Et le ministre des affaires étrangères, Puisieux, d’autant plus ardent qu’il s’agissait d’accabler son prédécesseur : « Sa Sainteté, à notre avis, le prend un peu bien haut, se scandalisant de la retraite de M. de Luçon à Avignon. Sans doute, il y en a qui lui donnent ces mauvais avis avec commentaires. Si elle y défère, on lui mettra souvent la puce à l’oreille… Si M. de Luçon se fût contenté de faire simplement le bon évêque en son diocèse, il n’en serait pas en ces termes que l’on a évités un fort longtemps, bien qu’il y eût occasion suffisante et connue de ce faire. Mais ce sont esprits qui s’emportent bien loin au-delà du devoir et très dangereux en un désordre public. » Comme on le voit, ce médiocre Puisieux tapait ferme. Si ces propos revinrent, comme il est probable, aux oreilles de l’évêque de Luçon, ils durent lui être bien pénibles et ajouter encore à la mélancolie qui le rongeait. Quant au pape, il se le tint pour dit, et garda chez lui l’hôte encombrant qu’on lui avait envoyé sans le consulter.

Laissé ainsi sans défense aux mains de ses adversaires, l’évêque passe les six derniers mois de l’année 1618 dans des alternatives de résignation et d’abattement. De grands malheurs privés surviennent et affligent la pauvre colonie désemparée.