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quand le partage du monde s’achève et que sur tous les rivages du globe les mêmes rivalités sont en présence, il n’existe, dans le domaine de la politique extérieure, de questions isolées. Affaires de Chine, affaires d’Afrique, affaires d’Europe, ne sont pas dans la réalité classées et séparées comme dans les cartons verts d’un bureau ministériel, elles ont les unes sur les autres des réactions fatales. Partout dans le monde il y a eu, après l’évacuation de Fachoda, un fléchissement de notre prestige. La concordance des dates suffit à établir une corrélation évidente entre les événemens qui ont mis en cause notre influence sur les bords du Nil, à Mascate, et sur les rives du Fleuve Bleu. Le Tsong-li-Yamen connut, sans doute par des avis habilement exagérés, les affaires du Soudan : le Chinois, respectueux de la force et tremblant devant les puissans, s’enhardit très vite avec les faibles ; le mauvais vouloir du gouvernement du Fils du Ciel dans l’affaire de Chang-hai n’a peut-être pas d’autre origine.

Si l’on a pu croire à Pékin à une éclipse partielle de la puissance française, le remède est de prouver notre force ; c’est la tâche qui s’impose d’abord à notre politique. Nous avons fait en Extrême-Orient assez de sacrifices d’hommes et d’argent pour y prétendre à l’un des premiers rôles, car les droits et les intérêts des peuples ne se mesurent pas seulement au nombre de tonnes de marchandises qu’ils importent ou exportent, mais à la somme de prestige et d’autorité qu’ils ont su acquérir. Toute notre histoire en Extrême-Orient, tout le passé de nos relations avec la Chine, tout ce qui forme dans ces lointains parages notre patrimoine moral est pour nous un titre aussi sérieux et peut-être plus durable à l’exercice d’une légitime influence que la statistique des douanes et le nombre des navires de commerce. Parmi ces forces, impondérables, mais parfois décisives, dont nous disposons dans l’Empire du Milieu, l’une des plus précieuses et des plus vivantes est le protectorat des missions catholiques.


II

L’histoire de l’établissement et du développement des missions catholiques dans l’empire chinois, sous l’égide du protectorat français, a été faite ici même[1]. L’affaire de Kiao-tchéou

  1. Les Missions catholiques en Chine, par *** (15 décembre 1886). — La Politique allemande et le protectorat des missions catholiques, par *** (1er septembre 1898), spécialement le § 3.