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production intense, capables de fournir à la mère patrie les produits d’Extrême-Orient et surtout d’alimenter les marchés chinois. La réalisation de cette prospérité économique est soumise à des conditions extérieures à la colonie elle-même : elle suppose l’adoption et l’application d’une politique commerciale mûrement étudiée, soucieuse de s’adapter à la réalité complexe des faits, nettement déterminée dans sa ligne, mais consciente de la variété des cas particuliers, souple, et pour ainsi dire « opportuniste,  » et surtout pratiquée avec cette continuité et cette persévérance sans lesquelles il n’est de succès ni dans la bataille politique, ni dans la concurrence économique.


IV

Le Tonkin est, par sa position géographique, le débouché naturel de toute une région du Céleste Empire : la voie du Fleuve Rouge, qui trace une ligne presque droite depuis le Yun-nan jusqu’à la mer, est la route la plus courte entre les hauts plateaux du sud-ouest chinois et les ports de la côte. Trois provinces sont les voisines immédiates de nos possessions : le Kouang-toung, le Kouang-si et le Yun-nan[1].

La géographie et la politique, en nous faisant les voisins de la Chine par le sud, ne nous ont point favorisés. Du côté où il confine aux possessions françaises, l’empire chinois se hérisse d’un réseau enchevêtré de montagnes qui servent de support à de hautes plaines peu fertiles et peu habitées. La prodigieuse masse des plateaux du Thibet, compactes et de structure simple, qui élèvent leurs immenses solitudes glacées à la hauteur du Mont-Blanc et qui poussent leurs arêtes au-delà de 8 000 mètres, semble, en se prolongeant vers l’Est, se désarticuler ; elle se creuse de sillons étroits et profonds, de longues cassures qui disloquent l’amas colossal et où coulent, proches les uns des autres par leurs sources, tous ces grands fleuves de l’Indo-Chine et de la Chine dont les embouchures s’espacent sur des milliers de lieues de côtes, depuis les deltas de l’Iraouaddy et de la Salouen

  1. Sur toutes les questions économiques concernant la Chine méridionale et ses relations avec le Tonkin, on consultera les très remarquables publications de la Mission lyonnaise (La Mission lyonnaise d’exploration commerciale en Chine, 1895-1897, avec cartes, plans et gravures. Lyon, A. Rey et Cie, 1898, in-4o. — Rapport général sur l’origine, les travaux et les conclusions de la Mission lyonnaise, présenté par M. H. Brenier, directeur de la Mission, Lyon, A. Rey et Cie, in-4o).