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empire romain, le plus grand de ceux dont on ait conservé la mémoire. C’est là aussi que, plus tard, a surgi de ses ruines la plus grande autorité morale que le monde ait acceptée. Le sang de ses martyrs a purifiée la Ville du vice de ses Césars, et, toutes les fois que ce souvenir est évoqué, comme il vient de l’être récemment par un grand écrivain, l’humanité entière tressaille à l’évocation d’un passé toujours présent. Nous tous chrétiens, quels que soient nos pays d’origine, nous sommes les fils spirituels de ce Domine, quo vadis ? rencontré par saint Pierre ; nous apercevons à travers les ans le labarum de Constantin élevé sur le pont Milvius. Nous allons au Cotisée assister, en pensée, à ce défilé des chrétiens, qui venaient y chercher la mort pour rendre témoignage à leur foi ; et, sur ces gradins encore à moitié debout, nous pouvons constater la place où s’asseyaient leurs persécuteurs, aujourd’hui disparus. Puis, à quelque distance, nous voyons sur la rive gauche du Tibre cette noble église de Michel-Ange, dédiée à saint Pierre, le vainqueur de Néron et, à côté d’elle, le palais du souverain de nos âmes, de celui qui a remplacé officiellement le paganisme éteint, le vicaire de Jésus-Christ. Alors, réunissant le passé et le présent, confondus dans une admiration muette pour l’un et pour l’autre, nous éprouvons ce frémissement intérieur qui nous récompense d’être venus, et nous nous écrions encore aujourd’hui avec Horace et plus justement peut-être : « On ne peut rien voir de plus grand que Rome : Possis nihil urbe Roma Visere majus. »


II

Le lendemain de mon arrivée, je me rendis au Vatican et j’entrai en relations avec le cardinal Franchi, le nouveau secrétaire d’Etat de Léon XIII. Les rapports malheureusement trop courts que j’eus avec lui, — car il mourut peu de mois après sa nomination et pendant mon absence de Rome, — ne laissèrent rien à désirer. Je l’avais connu substitut à la secrétairerie d’Etat, lorsque je n’étais que secrétaire d’ambassade, et nous eûmes par suite plaisir à nous retrouver tous deux dans une situation supérieure. Je fus charmé de son gracieux accueil, de l’ouverture et de la gaieté de son esprit, de son désir d’entente sur toutes les questions, Il avait été assez activement mêlé dans le dernier