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accepter par le Congrès la clause qui concernait notre protectorat. Il me l’avait annoncé par un télégramme dont j’avais donné confidentiellement connaissance au cardinal Franchi. Le Saint-Père écouta ces déclarations avec grand plaisir et voulut bien m’exprimer sa satisfaction de voir ce point réglé par un mutuel accord des puissances.

Cette seconde audience du Souverain Pontife me permit d’apprécier mieux sa personne que je n’avais pu le faire la première fois. « Le nouveau Pape, écrivais-je, intéresse et captive tous ceux qui l’approchent. Il étudie et discute chaque chose ; il écoute attentivement et avec une souveraine bienveillance. On sent qu’il tient compte des faits de chaque jour et de la marche du siècle, alors même qu’il n’en approuve pas certaines tendances. Son esprit est d’une très grande élévation et touche à tous les sommets. Si, comme je l’espère, le temps ne lui manque pas, son pontificat sera souverainement bienfaisant pour l’Eglise, et, au bout de quelques mois, rien ne se fera que par lui et comme il l’aura décidé. »


III

En reproduisant, vingt-deux ans après, ces dernières lignes avec une certaine émotion, — car le temps, ce grand destructeur des prévisions humaines, a permis que mes espérances d’alors fussent encore dépassées par les réalités qui ont suivi, — je ne puis m’empêcher de rappeler une parole de Pie IX, dans la dernière année de son pontificat, que le cardinal Czacki m’a rapportée depuis. Elle explique mieux qu’aucune » autre les divergences des deux Papes dans leur action politique, mais leur parfaite et constante unité morale. « Mon successeur, disait un soir Pie IX à quelques personnes de son entourage intime, pourra et devra peut-être même agir différemment que je ne l’ai fait vis-à-vis des gouvernemens ; mais, moi, j’ai dû lutter et résister jusqu’à la fin. » Ce mot m’a toujours paru éclairer la situation des deux pontifes qui, depuis cinquante-quatre ans, ont gouverné l’Eglise catholique. On a voulu les opposer l’un à l’autre ; en réalité, ils n’ont jamais eu que le même but, défendre ; les droits dont ils avaient la garde et diriger la barque ; de ; Pierre, suivant l’état de la nier et des flots.