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« Oui, sauvez le Roi ! mais, pour le faire, il ne faut pas attendre que l’assassin lève son poignard. Il faut, par une énergique application des lois, faire en sorte que, dans les associations républicaines, on ne prépare pas et on ne discute pas l’assassinat, et que le drapeau rouge glorifié et impuni ne couvre pas la garde du poignard qui va l’accomplir. Cairoli est une des figures les plus sympathiques apparues dans l’histoire de nos troubles politiques ; il est l’ami et le ministre dévoué du roi Humbert ; le poignard des assassins a voulu les frapper ensemble, Cairoli, sauvez le Roi ! mais, pour y arriver, il faut une des deux choses, ou abandonner vos utopies, ou abandonner le pouvoir. »

Le Vatican ne pouvait pas rester en arrière, au milieu de l’émotion et de l’indignation générales. Seulement, en raison de sa position spéciale, le Pape ne crut pas pouvoir faire une démarche directe auprès du Roi. La difficulté fut tranchée par une lettre de Sa Sainteté à l’archevêque de Naples. D’après ce que me dit le cardinal Nina, cette lettre mentionnait l’indignation du Saint-Père pour le lâche attentat dont le Roi avait failli être la victime, remerciait le ciel de l’avoir préservé, et appelait l’attention de Sa Majesté sur les dangers auxquels les violences sectaires peuvent exposer la personne des souverains et l’existence de leurs Etats.

Le roi d’Italie fit répondre par le secrétaire de son cabinet à la lettre que l’archevêque de Naples lui avait écrite de la part du Saint-Père. Sa Majesté s’y montrait très sensible au témoignage d’intérêt que lui donnait le Souverain Pontife dans cette circonstance douloureuse et l’en remerciait en termes d’affectueux respect pour son auguste personne : mais il ne répondait pas aux exhortations paternelles, à la predichetta, — m’a dit le cardinal Nina, — qui terminait la lettre. Somme toute, cet (‘change de communications produisit plutôt un bon effet au Quirinal, comme au Vatican : et il y eut lieu de s’en féliciter.

Cet attentat, du reste, précédé et suivi des tentatives criminelles de Florence et de Pise, produisit une impression également douloureuse dans le monde ecclésiastique et dans le monde italien. Seulement, les conséquences qu’on en tira au Vatican ne furent naturellement pas les mêmes et les remèdes à apportera au mal parurent différens. Pour les uns, une modification dans l’administration et un changement dans le ministère parurent indispensables ; pour les autres, l’attentat de Passanante sembla être