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de son concours, de sa modération, de son excellent esprit. Tous ceux de nos évêques, qui n’étaient pas encore venus à Rome, lui avaient écrit ces jours derniers. Le Pape voulut bien me lire quelques passages de leurs lettres et daigna se rappeler que les indications que je lui avais données moi-même, à diverses reprises, sur l’état de la France, étaient conformes à celles qu’il venait de recevoir.

Le Saint-Père me parla de l’avenir avec confiance et espoir : c’était le développement de la parole ; de Celui dont il est le représentant ici-bas : paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. Il développa ce thème devant moi avec une autorité apostolique et une élévation de langage qui me liront vivement regretter d’on être le seul auditeur. « J’aurais voulu, écrivais-je, que l’on pût entendre au dehors ces paroles où il n’y avait qu’une invite à la concorde et à l’union entre les chrétiens. L’expression de sa noble figure, pendant qu’il les prononçait, donnait à son langage une couleur plus accentuée. Je le voyais, en quelque sorte, s’élever devant moi, tranquillement, graduellement, et je le regardais monter, avec une admiration muette, comme si une force surnaturelle donnait des ailes à sa pensée et un éclair à son regard. » « Le Saint-Père a confiance dans l’avenir, ajoutais-je, tout en ne se faisant pas d’illusions sur les difficultés présentes, et, sans désespérer du temporel, il consacre toutes ses forces au raffermissement de l’autorité doctrinale. Les questions politiques pures ne le touchent que secondairement. En dehors de l’Italie, il s’arrangera de tout gouvernement qui ne le gênera pas dans l’exercice de son autorité spirituelle ; mais, en raison même de sa modération et de ses efforts constans pour arriver à la pacification religieuse, sans abandonner toutefois aucun principe, il relèverait énergiquement toute insulte faite au Saint-Siège par ceux auxquels il avait d’abord tendu la main. Ce serait alors un véritable lutteur, avec Lequel il faudrait compter très sérieusement et, je ne conseillerais à aucun gouvernement d’engager avec Léon XIII un combat, où il se montrerait, je n’en doute pas, supérieur.

« Le Saint-Père est, du reste, secondé dans sa tâche par deux individualités marquantes, le cardinal Nina, secrétaire d’Etat et Mgr Czacki, substitut de la secrétairerie d’Etat pour les affaires ecclésiastiques extraordinaires. Le cardinal Nina a toutes les qualités que l’on peut souhaiter pour le poste qu’il occupe, sauf son