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paroissiens au son de la cloche et les conduit sur le passage des diligences pour se livrer au pillage ; Féret, dit Bellerose, qui opère avec lui ; Delaur, surnommé Martin Moustache, ancien capitaine aux hussards de Bercheny ; Jean Jacques Aymé, naguère procureur-syndic à Valence et maintenant membre du Conseil des Cinq-Cents ; les Frères Rouche, les frères Bastide, les frères Meilloux, le père Chrysostome, désigné sous le sobriquet de « Capucin boiteux, » et le plus célèbre d’entre ces humbles, le plus connu des populations, autant par sa vaillance ; que par ce qu’on raconte de ses relations avec les princes, l’intrépide Dominique Allier, frère de Claude Allier, ce curé de Chambonas dans l’Ardèche, exécuté à Mende en septembre 1793, à la suite de l’insurrection de Charrier dans laquelle il avait figuré.

Avec la bande qu’il a recrutée, chacun de ces Chouans, — c’est ainsi qu’on les désigne, — travaille pour son compte, en attendant que les représentans du Roi les appellent, les groupent et en forment une armée. Ils se sont partagé le Midi. Sans-Peur opère tour à tour sur les bords du Tarn, dans l’Hérault, dans le Gard, où se trouve aussi Bellerose, avec qui il a tenté, deux ans avant, d’enlever le général Châteauneuf-Randon, membre de la Convention, chargé de la pacification de ces contrées. Pris deux fois, par deux fois il s’évade et rentre en campagne. Dominique Allier s’est réservé le Vivarais et le Velay, où il a déjà combattu et dont il connaît tous les détours. Arrêté antérieurement au 9 thermidor, il a recouvré la liberté à la faveur de la réaction et avant qu’on n’instruisit son procès. Depuis, il combat, toujours debout, jamais abattu, insaisissable, déjouant par son audace toutes les tentatives faites pour s’emparer de lui, communiquant par la Haute-Loire avec Lyon où affinent les émigrés.

Les malheurs de cette ville, les misères du siège, les implacables rigueurs qui l’ont suivi, les mitraillades de Fouché, loin d’affaiblir le royalisme de ses habitans, l’ont surexcité au point de faire paraître aux plus honnêtes comme très légitimes les représailles exercées contre les terroristes par des assassins invisibles qui ne se laissent deviner qu’au caractère odieux de leurs forfaits. Lyon est à cette heure le boulevard et le refuge des conspirateurs. Ils s’y meuvent librement. Ils y trouvent des complices jusque dans la municipalité. Imbert-Colomès, royaliste convaincu, agent secret de Louis XVIII, est venu s’y établir. C’est par lui que passent les instructions envoyées aux insurgés méridionaux par le général