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de « fanatiser le peuple des campagnes, de l’aliéner par degré contre le gouvernement de la République, de l’électriser en faveur de la royauté. » — « Envoyez-nous des prêtres, écrivait-il à Condé. C’est l’expédient le plus sûr pour dominer l’opinion. La force ne peut rien sans elle ; il faut l’éclairer. » Enfin, sa dernière conception, la plus récente, se résumait dans ce complot qu’on venait de découvrir, dont le siège principal était à Lyon, et qui devait liguer entre eux les départemens riverains du Rhône et ceux qui les avoisinent.

Dans plusieurs lettres dont il avait conservé les minutes, Bésignan se vantait d’avoir organisé un peu partout, sur ce vaste théâtre, des bandes armées. Il énumérait les forces militaires sur lesquelles il comptait, formées surtout de « la partie saine » des gardes nationales ; il indiquait les lieux de leurs rassemblemens, les itinéraires qu’elles devaient suivre, les points où elles devaient se réunir. Il ajoutait qu’il disposait de ressources considérables. C’est dans la Haute-Loire que le mouvement devait d’abord éclater. À cet effet, il avait décidé M. de Blumestein, directeur des fonderies du Forez, à lui livrer la poudre dont il aurait besoin.

M. de Blumestein n’était pas le seul affilié que désignât Bésignan. Les papiers qu’il avait si maladroitement laissé saisir nommaient d’autres personnages : les généraux de Précy et de Chavannes, encore à l’étranger ; le colonel de Teissonnet, aide de camp du prince de Condé ; Imbert-Colomès, en résidence à Lyon ; le marquis de Surville ; le chevalier de Lamothe, qu’il avait connu à l’armée royale ; et engin les abbés Linsolar et Devillers, qu’il appelait les chefs du diocèse de Lyon.

Il résultait encore de l’examen de ses papiers qu’il était en désaccord avec le premier de ces ecclésiastiques, « en ce que celui-ci, dit, le rapport qui est sous nos yeux, pour mettre à couvert la conjuration jusqu’au moment où elle devait éclater avec certitude du succès, avait, dans ses instructions aux prêtres, décidé qu’ils pouvaient tolérer que les initiés se soumissent provisoirement aux lois de la République, et que, dans sa correspondance avec les princes et le prétendant, il est parvenu à présenter Bésignan comme un homme dangereux par son caractère bouillant, ses imprudences qui ont été dans le cas plusieurs fois de faire avorter le projet et d’en compromettre les chefs et complices. On s’explique, d’après ces motifs, que Bésignan, quoique la cheville