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existait dans le Code pénal des articles contre les violences, mais ces peines étaient insuffisantes ; il fallait les aggraver en proportion de l’aggravation du délit lui-même. Cela cadrait avec le système adopté par la législation pénale : elle n’admet pas une peine unique pour toutes violences quelconques ; elle les varie suivant la perversité de l’intention (art. 295 à 305, 310, 311 § 2), selon la gravité du préjudice individuel (art. 309, 311), du dommage social (art. 186, 209, 228, 263, 381) ; selon la qualité des victimes (art. 312, 354), les circonstances qui ont accompagné le délit (art. 313, 279). La même gradation s’observe dans la répression des menaces, dont la peine oscille de six jours à trois mois jusqu’à cinq ans (art. 305, 300, 307, 308, 436, 481 § 5). Il n’y avait qu’à introduire une distinction de plus parmi ces distinctions, ajouter à l’échelle ascendante selon laquelle sont classées les violences ou les menaces un échelon correspondant à une culpabilité nouvelle plus grande. En outre, il n’existait dans la loi pénale générale aucune disposition qui permît d’atteindre la fraude, plus coupable, selon Stuart Mill et tous les publicistes, parce qu’il y a en elle un caractère de lâcheté et de préméditation, par conséquent une nuance de culpabilité qui ne se rencontre pas au même degré dans la violence, dont l’explosion est toujours franche, souvent subite ou passagère.

Ces données furent acceptées par tous ceux de nos collègues qui avaient qualité pour s’occuper de ces questions, et notamment par Jules Simon et Picard. Les autres ne comptaient point, pas même Jules Favre, de plus en plus absorbé par ses plaidoiries et d’ordinaire s’en rapportant à nous. Nous abordâmes donc la discussion des bureaux en un accord complet, dont Jules Simon, plus encore que moi, eut l’occasion de témoigner. Je ne rencontrai, grâce à l’intervention de Morny, aucun compétiteur, et je fus nommé commissaire presque à l’unanimité. Il n’en alla pas de même de Jules Simon : il eut pour concurrent Jérôme David, le fils du fameux peintre, agréable de sa personne, élégant, doué d’une élocution facile et chaude, mais sans sérieux quoiqu’il s’attachât à parler de choses sérieuses. Il imagina ce qu’on a appelé dans la discussion le système du droit commun, c’est-à-dire l’abrogation pure et simple des articles contre les coalitions, en s’en référant, pour la protection de la liberté du travail, aux dispositions déjà existantes de la loi pénale. Jules Simon réfuta ce système, et démontra avec une telle vigueur de pensée