Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/376

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

antique procession, c’est sans contredit la manœuvre savante des alfieri qui jouent avec leur drapeau comme les tambours-majors avec leur canne. Dans leurs mains, ces drapeaux, si heureusement bariolés, exécutent une sarabande gracieuse, se fermant et se développant tour à tour. Ils évoluent autour du corps, sous les jambes, sur la tête, par des mouvemens onduleux et imprévus, comme ceux de Loïe Fuller ; ils passent légèrement d’une main dans l’autre, puis fendant l’air avec la rapidité d’une flèche, ils retombent non moins brusquement. Cette manœuvre qu’on appelle la sbandierata in piazza, ne s’exécute que sous les fenêtres des protecteurs des contrade.

Voici maintenant le char de Sienne qui débouche, construit peut-être sur le modèle du caroccio de Florence pris par les Siennois à la bataille de Montaperto. Il est drapé de velours rouge galonné d’or. Avec sa forme pyramidale, il ressemble vaguement à un bateau au mat unique, surmonté du lion et de la louve, emblèmes héraldiques de la cité. Sur la proue, le palio destiné au vainqueur attire tous les regards.

Les sept contrade qui ne prennent pas part à la course, cette année, suivent le caroccio. L’Oca et la Torre, antiques rivales, nobles toutes deux, chargées de lauriers, sont les plus admirées. La Torre est amarante ; l’Oca se trouve par hasard honorée des trois couleurs italiennes. Fiers de posséder Fontebranda et la maison où est née Sainte-Catherine, les Ocaioli défilent avec une dignité particulière.

Fermant la marche, on voit la garde de la commune avec son capitaine à cheval, ses arquebusiers, ses arbalétriers, ses hallebardiers, enfin le caroccio des contrade supprimées, traîné par quatre chevaux drapés et écussonnés.

L’enthousiasme grandit à mesure que le serpent déroule ses anneaux bigarrés au milieu des haies humaines. La musique joue, les tambours battent, la foule bourdonne, le campanone gronde sourdement, la procession fait miroiter ses mille facettes, les drapeaux multiplient leurs ondoiemens capricieux, les vieux palais retrouvent un air de jeunesse sous la lumière brisée, tendre, comme ambrée de l’heure qui précède le crépuscule, la place du Campo revêt ses gloires passées, c’est l’apothéose !

Le cortège se disloque devant la chapelle de la place. Pendant que les barbareschi entraînent les champions dans la cour du Fodestà et que les jockeys troquent leur riche costume contre