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Les puissances ambitieuses veulent donc une armée forte, capable d’imposer leur suprématie et de faire travailler à leur profit. Les faibles, et souvent les neutres, deviennent tributaires, sous la forme d’impôts de guerre ou de traités commerciaux, et c’est alors que l’esclavage économique pèse sur le travailleur de la nation vaincue.

Pour être forte, l’organisation militaire d’un peuple doit logiquement découler de sa constitution politique. Quand les institutions se modifient, les bases de l’armée doivent se transformer parallèlement. Celle-ci acquiert toute sa force lorsque son organisme correspond intimement à l’état social du pays.

S’il n’en est pas ainsi, l’armée peut se trouver vieillie, par rapport au progrès de la nation, qui est alors mal servie ; quelquefois même un fossé se creuse entre elle et son armée, au grand détriment de sa puissance.

Il est donc nécessaire que les méthodes d’instruction et de discipline répondent à l’état politique et progressent avec lui. Cependant, il est rare qu’il en soit ainsi. L’esprit d’une armée, les traditions dont elle est imprégnée, ne se modifient que lentement. Il peut arriver qu’elle retarde sur le mouvement de son temps.

L’étroite liaison de la mentalité de la nation avec les procédés d’instruction et de discipline, est nécessaire pour donner à l’armée son maximum de puissance.

Jusqu’à présent, l’armée allemande avait négligé ce principe. Elle tend maintenant à l’appliquer. On en verra plus loin les conséquences.

Quoique cette vérité soit incontestable, il arrive parfois que l’état moral d’une nation n’en permet pas l’usage. C’est ainsi que le peuple anglais s’en écarte de propos délibéré. — Ses armées restent ce qu’elles étaient autrefois. Se refusant au service personnel, il est dès lors obligé de payer très cher des soldats de métier, dont le recrutement difficile ne se fait que dans des milieux d’un niveau moral peu élevé. D’autre part, en raison même du but poursuivi, cette armée doit rapporter plus qu’elle ne coûte. Aussi ses régimens sont-ils constamment en campagne, et comme une nation est d’autant plus belliqueuse, qu’elle est moins militaire, le gouvernement n’hésite jamais à engager ses troupes partout où il entrevoit une fructueuse affaire.

Les armées exclusivement composées de soldats de métier