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LA CRISE EUROPÉENNE
DE 1621

I
LE PROBLÈME PROTESTANT EN EUROPE
LES AFFAIRES DE LA VALTELINE


I

Luynes l’emportait. Maître de la Cour depuis longtemps, il devenait, par la victoire des Ponts-de-Cé (août 1620), le maître du royaume. Le parti des Grands s’était brisé au premier choc. La reine Marie de Médicis et son favori, l’évêque de Luçon, savaient maintenant ce que pesait leur opposition : la mère n’avait, décidément, d’autorité dans le royaume que celle que lui laissait la condescendance du fils. Or, celui-ci venait de faire l’épreuve de sa puissance. Rouen, Caen, Angers avaient ouvert leurs portes. Les provinces avaient acclamé son passage. En son absence, Paris n’avait pas bougé. Le Roi était à la tête d’une armée peu nombreuse, mais solide et dévouée.

Luynes eut dû se sentir rassuré : il restait troublé et inquiet. Son succès même l’effrayait. Il craignait tout ; il craignait que Louis XIII ne prît goût à son métier de roi ; il appréhendait ses adversaires de plus en plus nombreux, déclarés ou cachés, et, non moins, ses amis, les zélés, les violons et surtout les tortueux, cherchant, parmi les aventures, quelque chemin obscur pour leurs ambitions. Condé l’appuyait trop ; les catholiques l’entraînaient ; et puis il s’était mesuré avec ce dangereux évêque que la voix publique lui donnait pour rival et pour successeur. Deux fois, il avait cru l’abattre ; deux fois, à Angoulême et à Brissac, il avait dû recourir à lui.