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différences qui vont du simple au décuple : en mai 1897, la Porte-Saint-Martin réalisait 50 000 francs, et 289 000 francs en mai 1898 ; en février 1898, les Nouveautés encaissaient 28 000 fr., et 223 000 francs en février 1899.

Comme la bonne et la mauvaise chance persistent rarement douze mois de suite au même degré, dans chaque théâtre, d’un exercice à l’autre, les recettes globales font de moindres sauts, mais elles diffèrent couramment du simple au double : aux Nouveautés de 572 000 à 101 4000 francs ; à la Renaissance, de 929 000 à 448 000 francs ; à la Porte-Saint-Martin, de 1 842 000 à 901 000 francs ; de 303 000 à 729 000 francs au théâtre Sarah-Bernhardt ; aux Folies-Dramatiques, de 710 000 en 1898, à 476 000 en 1899 et à 120 000 francs en 1900.

Les frais offrant, suivant les scènes, de grandes inégalités, tel directeur gagne de l’argent avec une rentrée annuelle de 500 000 francs ; tel autre, avec un recouvrement de 800 000 francs, perd une somme à peu près égale. Celui-ci ne peut distribuer aucun dividende, bien que son année soit de 1 100 000 francs, et, chez son voisin, les actionnaires perdent 60 000 francs, tandis qu’une seule artiste du théâtre en reçoit plus de 200 000.

La plupart des entreprises dramatiques revêtent en effet la forme de sociétés ; aux directeurs de l’ancien type, travaillant avec leurs propres capitaux, ont succédé des fonctionnaires appointés, dont la gestion peut se trouver en désaccord avec les intérêts de leurs commanditaires. Les pertes ont-elles excédé le fonds social, une liquidation judiciaire est obtenue en vertu de la loi nouvelle ; grâce à ce tempérament, les théâtres ne font plus faillite, et c’est un vrai malheur. Pour eux la faillite était saine ; elle aérait et purifiait la maison, elle faisait place nette. Par elle, les engagemens d’artistes étaient résiliés, les pièces rendues aux auteurs ; les contrats, et particulièrement ceux passés avec les marchands de billets, devenaient caducs. Avec la liquidation judiciaire, l’imprésario traîne une queue d’affaires, attachées les unes à l’immeuble, les autres à sa personne.

On fit passer un jour au chef de l’Assistance publique la carte d’un solliciteur, qui avait écrit au-dessous de son nom : « Un homme ruiné qui a donné un million aux pauvres. » Cet indigent était un vieux directeur de spectacles. Ses charités avaient été obligatoires, le représentant des pauvres emportant vers dix heures, chaque soir, après les comptes arrêtés, le onzième de la