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Montmor le fils du maréchal de Thémines ?… Et Villautrais qu’on croyoit devoir être pendu après avoir dérobé un million au siège de Montpellier, a marié sa fille au neveu du cardinal de La Rochefoucauld pour s’appuyer de l’écarlate. De manière que la science de dérober est l’unique chemin de s’anoblir maintenant en France… »

Tous les actes de La Vieuville sont passés au crible, son humeur bizarre et bourrue, son esprit léger et malfaisant, ses terreurs, « son agitation perpétuelle. » On reproche à Richelieu d’endurer tout ce qui se passe, « sous prétexte qu’il est homme de compagnie et qu’il veut vivre en société avec tous. » Il s’agit bien de cela. Il s’agit des intérêts de la France. Il s’agit des grandes décisions à prendre. Avant tout, il faut, dans le conseil, la gravité, l'autorité, l’unité. Il n’y aura rien de tel tant qu’il sera dirigé par cet homme qui n’a ni sens, ni conduite, qui n’entend rien aux affaires extérieures, qui n’a d’accointance qu’avec les traitans, qui pille le prince et le trésor « aliène la cour et la noblesse » et n’est qu’un charlatan incapable de trouver « les remèdes salutaires à la guérison des plaies de la France.

La main de Richelieu se retrouve dans ce remarquable libelle, qui lui est, d’ailleurs, attribué : « C’est pourquoi Votre Majesté doit résoudre hardiment les choses qui regardent sa conservation ; elle doit voir librement Mansfeld, maintenir ses anciens alliés, sans s’arrêter aux spéculations des moines, ni du nonce, lesquels ne prêchent que l’intérêt du Pape et non celui de votre service. Si chacun ne se mêlait que de son métier, les vaches en seraient bien mieux gardées.

La Vieuville est affolé. Il se contredit, cherche des issues diverses, songe à appeler le prince de Condé, puis le vieux Sully. « Ses extravagances devinrent si grandes que toutes ses entreprises se contredisoient les unes les autres, et, comme un ivrogne, il ne faisoit plus un pas sans broncher. » Son voisin, vêtu de rouge, le regardait s’avancer en trébuchant et prenait la peine de lui indiquer parfois où il devait mettre les pas.

Le Roi, lassé de tout ce bruit qui se faisait autour d’un homme qu’il n’avait aucune raison particulière d’aimer, prit conseil du cardinal de Richelieu et du garde des sceaux. Celui-ci, d’Aligre, était une créature du cardinal. Les deux compères donnèrent au Roi le conseil de réfléchir mûrement avant de changer, une fois encore, de ministres. Le Roi demande au cardinal de lui exposer