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dans l’Italie de la Renaissance : elle éclate alors dans les luttes des petits États, dans les violences et les exactions des princes, dans les meurtres, pillages, brigandages, grâce à un état social qui permettait leur entier développement à toutes les facultés et à toutes les convoitises d’une humanité débridée. C’est une des époques de prédilection de Beyle : il y place la scène de ses Nouvelles italiennes. Jules Branciforte, qui, à la tête de ses bravi, donne l’assaut au couvent où s’est réfugiée la future abbesse de Castro, était un homme qui ne manquait pas de caractère. Même dans l’époque contemporaine, Beyle trouve encore de l’énergie. Il y en a dans l’Italie de 1815. C’est un pays où l’on ne se soucie pas des convenances, où les mœurs ont du naturel, de la « bonhomie, » du laisser aller : on fait ce qui plaît. L’esprit n’y gâte pas l’amour ; on a des passions profondes quoique vives : une femme voit un homme pour la première fois, le trouve à son goût, se jette dans ses bras ; cette même femme, si elle apprend que son amant est malade, s’échappera de sa chambre la nuit par une corde attachée à sa fenêtre, et grimpera par le même chemin dans la chambre de celui qu’elle aime : cela, treize nuits de suite. Voilà des mœurs I

D’une façon générale, Beyle est d’avis que l’énergie, qui a disparu de la bonne compagnie, s’est réfugiée dans les basses classes : il en donne pour preuve les assassinats. « Cette nuit, il y a eu deux assassinats. Un boucher presque enfant a poignardé son rival, jeune homme de vingt-quatre ans. Ils étaient tous deux du quartier des Monti : ce sont des gens terribles. L’autre assassinat a en lieu près Saint-Pierre, parmi des Transtévérins : c’est aussi un mauvais quartier, dit-on ; superbe à mes yeux ; il y a de l’énergie, c’est-à-dire la qualité qui manque le plus au XIXe siècle… » « J’ai deux ou trois histoires de voleurs, à faire frémir si l’on considère les cruautés affreuses, mais à frapper d’admiration si l’on est assez philosophe pour voir le génie de ces gens-là et leur sang-froid… » « En France, où le caractère manque, c’est aux galères que se trouve la réunion des hommes les plus singuliers. Ils ont la grande qualité qui manque à leurs concitoyens, la force de caractère. » « L’an passé, les tribunaux nous ont appris plusieurs assassinats commis par amour ; les accusés appartenaient tous à cette classe ouvrière qui, grâce à sa pauvreté, n’a pas le temps de songer à l’opinion du voisin et aux convenances. M. Lafargue, ouvrier ébéniste, auquel la Cour d’assises de Pau vient de sauver la vie, a plus d’âme à lui seul que tous nos poètes pris ensemble. » Ajoutez les suicides : « C’est du cinquième étage qu’on se jette par la fenêtre. » Italiens forcenés du XVIe siècle, révolutionnaires