Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/89

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rendre. La ville était donc perdue pour les protestans. Les plus violens accusèrent Duplessis d’être le complice de la fraude dont il était la victime. Sa faiblesse ou sa prudence passèrent pour de la trahison. Il ne survécut guère à sa peine.

À Saumur, les dégoûts commencèrent pour la Reine-Mère. On ne prit même pas la peine de lui assigner un logement, et Luynes occupa celui qui devait lui être réservé. Le Roi, quittant Saumur, se dirigea sur Saint-Jean-d’Angely où commandait Soubise, le frère du duc de Rohan. Soubise, sommé de se rendre, se tint sur la muraille, le chapeau à la main, pour entendre le héraut d’armes, et il déclara « qu’il était là de la part de l’Assemblée et que l’exécution des commandemens du Roi n’était pas en son pouvoir. » Le siège commença. On recevait des nouvelles très satisfaisantes du reste du royaume. Sauf dans le Sud-Ouest, les protestans étaient contenus partout. Bien loin de tenir la campagne, ils ne pouvaient même pas se réunir en troupes armées ; la plupart des villes ouvraient leurs portes au reçu des ordres du Roi.

Marie de Médicis félicitait amèrement le connétable. Bientôt, elle n’y tint plus, et, pour se réconforter, elle se décida à aller passer quelques jours dans l’intimité de son cher évêque. Elle se rendit donc, avec lui, dans son étroit prieuré de Coussay. C’était une faveur si extraordinaire que les documens publics contemporains l’ont tue. Quant à Richelieu, en recevant, dans ce modeste manoir où il avait passé les années pénibles de sa jeunesse et de son évêché « crotté, » la reine veuve de Henri IV et mère du Roi, en la sentant si près, dans cette solitude aux longs horizons mélancoliques, il ne se possédait pas de joie, comprenant à quel point une telle démarche engageait la Reine et avertissait la Cour.

Dans le tête-à-tête, on arrêta tout le plan de conduite à suivre à l’égard de Luynes. Il fut décidé que, pour le moment, on ne quitterait pas le Roi. La Reine-Mère le rejoignit devant Saint-Jean-d’Angely, vers le 12 juin. Elle fut logée au château de Matha, à quelques lieues de la ville et, là, les dégoûts recommencèrent.

On lui reprocha de fortifier Angers, comme si elle se préparait à soutenir un nouveau siège. On répandit le bruit que, suivant les conseils de l’évêque de Luçon, elle travaillait à constituer, dans le royaume, « un tiers-parti » qui se poserait en