Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/493

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

escaliers blancs qui montent au sanctuaire et dont les marches sont encombrées d’un va-et-vient de nudités brunes.

Il est impénétrable pour moi, ce temple, cela va sans dire. Et même, ayant eu l’audace de poser le pied sur les dalles qui débordent au dehors, en avant du péristyle, je suis invité, par des prêtres, à reculer, à rester plus loin, sur le sable qui est à tout le monde, — ce sable des plages, ce sable marin dont les rues de Iaggarnauth sont comme feutrées.

Mais j’ai le droit de faire le tour de ce terrible rempart carré que je ne puis franchir. Le long de chacune de ses faces, court une avenue que bordent des maisons en terre séchée. Elles sont très massives, ces vieilles demeures ; toutes les murailles penchent en dedans ; sur les façades s’alignent des séries de personnages divins ou diaboliques, inscrits toujours en bleu et en rouge ; et des escaliers frustes mènent aux vérandas surélevées, — où les Indiennes, en ce moment, sont assises à prendre le frais du soir, regardent ou rêvent, très cerclées de bracelets d’argent, et souvent charmantes dans les plis transparens de leurs voiles.

Un groupe de petites filles, dont la curiosité sans doute ne se lasse pas, me suit dans ma promenade autour du temple. La doyenne montre huit ans au plus, et toutes sont adorablement jolies ; leurs yeux, allongés par des peintures jusqu’à se perdre dans leurs bandeaux noirs, regardent avec candeur ; elles ont des anneaux d’or aux oreilles, aux narines, à la cloison du nez. L’arrivée d’un grand pèlerinage est prévue pour tout à l’heure, avant la tombée de la nuit, et, pour l’attendre, je contourne lentement le sombre mur crénelé. Derrière le temple, l’avenue est plus solitaire ; elle serait lugubre, sans ma gentille escorte de petites filles, qui suit discrètement à deux pas, s’arrêtant si je m’arrête, et, si je presse l’allure, allongeant avec ensemble toutes ses jambes fines où tintent des cercles de métal.

La grande pyramide blanche aux nervures roses demeure toujours aussi loin de moi, puisqu’elle est au centre du quadrilatère muré, infranchissable, dont j’ai entrepris de faire le tour. Mais il y en a quantité d’autres plus petites, adossées intérieurement au rempart d’enceinte, et que je puis voir de près ; toutes ont la même forme de courge, ou d’œuf de crocodile, mais elles sont noirâtres, lézardées, accusant une vétusté extrême. Seule, la géante du milieu, celle qui se voit de si loin, est reblanchie, et semble une chose neuve, — mais une chose si inconnue ! Avec