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indigènes, il donne des rendemens supérieurs à ceux de nos Campagnes. Les pâturages nourrissent des troupeaux nombreux, mais, faute de soins, les races sont dégénérées ; les bœufs sont petits, les chevaux manquent de finesse et d’élégance. L’olivier sauvage pousse partout, sur les coteaux, en dépit de la dent des chèvres. Des forêts de thuyas, de pistachiers, de cyprès, s’étagent sur les collines les plus hautes, et les lauriers-roses tapissent le fond des ravins et des ouadi. Ainsi, un climat doux et tempéré, malgré le ghebli qui souffle de temps à autre et qui apporte l’haleine brûlante du désert ; une atmosphère salubre, malgré la malaria qui sévit dans quelques plaines mal drainées : telle est la Cyrénaïque ; de toutes les parties de la Tripolitaine soumises à l’empire ottoman, elle est la seule où puisse prospérer une population européenne. Elle retrouvera sans doute un jour la prospérité qu’elle connut dans l’antiquité, mais, pour le moment, elle est à peine habitée : un vali turc, secondé par cinq caïmacans et gardé par quelques bataillons, est chargé, nous dirions de l’administration, si le mot n’était pas trop ambitieux quand il s’agit du gouvernement turc. L’influence politique et religieuse appartient surtout aux Senoussites ; presque tous les habitans sont affiliés à la secte et obéissent aux mots d’ordre transmis, du fond du Ouadaï, par le Mahdi vénéré.

Le commerce de Benghazi est très faible ; elle n’exporte qu’un peu de blé et quelques moutons qu’elle envoie à Malte, un peu d’alfa, de laine brute, quelques éponges, et cependant c’est, après Tripoli, le premier port des deux vilayets. Une piste transsaharienne, qui fut jadis assez fréquentée, part de la petite ville, et, par les oasis d’Aoudjila[1] et de Koufra, les caravanes, après un terrible voyage, atteignent le Ouadaï ou le Darfour. Sous la protection des Senoussites, le trafic, par cette voie, s’est quelque peu développé, mais il est encore et il restera toujours d’une importance médiocre.

Le plateau de Barka occupe, dans le bassin oriental de la Méditerranée, une position très avantageuse. Il se dresse, comme un château fort, en face du cap Matapan et des trois pointes de la Grèce, dont il est séparé par 600 kilomètres de mer, coupés à mi-chemin par la Crète ; à égale distance de Malte et de l’Egypte, ses ports commandent la route de Suez et des Indes ;

  1. A 350 kilomètres au sud de Benghazi.