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art de physionomiste à « faire la maraude » là où se rencontrent les cliens. »

Aujourd’hui, le cocher est un sous-entrepreneur ; il garde pour lui tout ce qui excède un prix de location déterminé. Mais c’est justement sur ce prix que l’on ne s’entend pas, et c’est à son sujet qu’éclatent les grèves périodiques. Afin d’en fixer le montant, les patrons prennent pour base les conditions de la température, la saison, le mouvement des hôtels, les arrivées des trains, les fêtes, les courses, les événemens qui modifient la circulation. Il ressort, pour l’année entière, aux environs de 15 francs, mais varie suivant les mois : les meilleurs, pour les compagnies, sont Mai, Juin et Avril ; Octobre et Juillet accusent de moindres bénéfices ; Septembre et Novembre sont tantôt en gain, tantôt en perte ; Janvier, Février, Mars et Août donnent toujours un déficit.

Il s’est produit, depuis dix ans, un phénomène singulier dans cette industrie : malgré la concurrence des moyens de transport en commun, de la bicyclette, du téléphone et de l’automobile, le nombre des fiacres a augmenté de 20 pour 100. Il est monté de 9 900 à 12 500. Cependant la même période a vu l’une des grandes compagnies, propriétaire de 1 500 voitures, l’Urbaine, mise en liquidation judiciaire et résignée, depuis plusieurs années, à laisser les cochers fixer la moyenne à leur guise ; l’autre, la Compagnie générale, réduite à suspendre ses distributions de dividende.

D’où vient que le bénéfice minime, — 1 fr. 50 par journée de voiture, — nécessaire à la prospérité des entreprises de ce genre, leur fasse aujourd’hui défaut ? Le mouvement observé dans la plupart des commerces, auxquels la concentration des capitaux procure un élément de force et de succès, se produirait-il ici en sens contraire ? Les petits loueurs sont-ils mieux placés pour se défendre ou gagnent-ils davantage ?

Les impôts qui pèsent sur la Compagnie générale dépassent 3 millions de francs, — 15 pour 100 de ses recettes brutes, près du double des profits qu’elle réalisait jusqu’à ces dernières années, et que les avantages consentis, bon gré mal gré, aux cochers ont fait évanouir ; — mais la plupart de ces charges sont supportées, au prorata de leur exploitation, par les petits patrons, par ceux qui conduisent leur propre voiture. Ils ont de plus les frais de leur loyer, et les fourrages doivent leur revenir plus cher.