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Metternich, ou tout au moins se borne-t-elle à prononcer son nom, comme si elle redoutait, en racontant ce qu’elle peut avouer de ses relations avec lui, de trahir ce qu’elle est tenue d’en cacher. Il n’est plus là, d’ailleurs, quand elle retrouve son mari. Le comte de Liéven s’était attardé en route, en revenant de Russie, d’où il est parti, « fier de n’avoir pas obtenu de grâces et de n’en avoir pas demandé. » — « Les témoignages gracieux et confians de notre adorable monarque, l’accueil flatteur de toutes les personnes estimables, la réunion avec plusieurs parens que je n’avais pas vus depuis de longues années ou dont j’avais encore à faire la connaissance, l’aspect enfin plus rapproché d’une patrie qui se développe et se transforme avec une rapidité surprenante, sont autant d’objets qui m’ont offert des jouissances inappréciables et qui me sont d’un intérêt et même d’une utilité réels. »

Au commencement de l’année suivante, les époux se réinstallaient à Londres, où la brillante existence qu’aimait Mme de Liéven reprenait bientôt son cours accoutumé. Elle continue à en donner les détails à son frère. « J’ai passé mon hiver entre ici et Brighton, où le Roi nous fait venir souvent. Son palais est devenu une résidence charmante depuis qu’il admet à sa société tout ce qui compose la meilleure société de l’Angleterre. Il y a majorité d’opposition sans doute. Mais, il faut convenir que c’est dans ce parti-là que sont les grands noms, les grands biens et la fashion. Le duc de Wellington y est aussi régulièrement prié, lorsque nous y sommes. Bloomfield a sa retraite[1] ; vous vous souvenez que c’était le factotum chez le régent. Cette déchéance a fait beaucoup de bruit. Lady Pembroke a été à la mort et n’est pas entièrement remise… Le projet de voyage du roi d’Angleterre pour cet été me paraît plus vague qu’il n’était. Je regretterais bien qu’il ne se fît pas, car je m’étais bien réjouie de faire un petit tour d’Europe à cette occasion. Sa santé a beaucoup baissé, il est fort maigri et vieilli, et il est appréhensif sur son compte. »

A glaner encore, parmi ces nouvelles, quelques traits de préoccupations plus intimes. « Paul est à Paris. Il y continue ses études avec un gouverneur particulier et en suivant quelques cours au collège. Nous l’attendons demain ici pour ses vacances de

  1. Il était premier écuyer, secrétaire particulier et trésorier de la cassette privée. La favorite en titre, lady Coningham, le fit brusquement destituer pour mettre un de ses fils à sa place.