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et la postérité d’une cellule. L’animal, au lieu d’être une unité indivisible, est une « multitude, » selon la propre expression de Goethe, méditant, en 1807, les enseignemens de Bichat. Il est, suivant le mot non moins juste de Hegel, « une nation ; » il sort d’un ancêtre cellulaire commun, comme le peuple Juif du sein d’Abraham.

On peut se représenter l’être vivant complexe, animal ou plante, avec sa forme qui le distingue de tout autre, comme une cité populeuse que mille traits distinguent de la cité voisine. Les élémens anatomiques de l’organisme en sont les citoyens. Tous ces habitans ont, en définitive, la même vie élémentaire : ils se nourrissent, respirent de la même façon. Mais, en outre, chacun a son métier, son industrie, ses aptitudes, ses talens, par lesquels il contribue à la vie sociale et par lesquels il en dépend à son tour.

Tel est l’animal complexe. Il est organisé comme une cité. Mais la loi supérieure de la cité, c’est que la vie matérielle des habitans soit assurée ; c’est que les besoins de l’existence communs à tous les citoyens anatomiques reçoivent satisfaction. Il faut que les matériaux alimentaires, l’eau, l’air, la chaleur, soient amenés partout à chaque élément sédentaire, dans la mesure convenable, et que les déchets soient emportés aux décharges qui débarrasseront l’agglomération de l’incommodité ou du danger de ces débris. C’est pour cela qu’existent les divers appareils de l’économie. — Pourquoi un appareil digestif ? Pour préparer et introduire dans le sang, la lymphe, et finalement dans l’atmosphère liquide qui baigne chaque cellule et forme son véritable milieu intérieur, les matériaux liquides nécessaires à sa vie. — Pourquoi un appareil respiratoire ? Pour importer le gaz vital nécessaire aux cellules et exporter l’excrément gazeux, l’acide carbonique. — Pourquoi un cœur et une canalisation circulatoire ? sinon pour amener et dispenser, dans la mesure convenable, à tous les élémens sédentaires, ce même milieu, convenablement épuré et ravitaillé. L’organisation est donc dominée par les nécessités de la vie cellulaire. Sa savante architecture et l’ajustement de ses canalisations circulatoire, respiratoire, digestive, excrétrice, n’ont pas d’autre objet. C’est en cela que consiste la loi de constitution des organismes de Claude Bernard.

On comprend par-là ce qu’est la vie — et, du même coup, ce