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qu’est la mort d’un être vivant complexe. La cité périt, si les mécanismes plus ou moins compliqués qui présidaient à son ravitaillement et à sa décharge sont gravement atteints en quelque point. Les divers groupes peuvent survivre plus ou moins longtemps, mais, privés progressivement des moyens de s’alimenter ou de s’exonérer, ils sont enfin entraînés dans la ruine générale. — Que le cœur s’arrête : c’est la famine universelle. — Que le poumon soit gravement lésé : c’est l’asphyxie pour tous. — Que le principal instrument de décharge, le rein, cesse de fonctionner : c’est l’empoisonnement général par les matériaux usés et toxiques retenus dans le sang.

Il existe entre les parties de l’organisme une sorte de solidarité humorale. Il y en a une autre encore, la solidarité nerveuse ; mais nous la laissons de côté en ce moment. — Les humeurs se mélangent. Toutes les atmosphères liquides qui entourent les cellules et forment leur milieu ambiant sont en communication plus ou moins facile les unes avec les autres, et, en définitive, avec le sang et la lymphe. Une altération dans un groupe cellulaire et dans le milieu correspondant a donc pour conséquence une altération dans le milieu voisin, et, par suite, dans le tissu voisin. Le malaise en un point pourra se propager, ainsi, de proche en proche.

On vient de voir comment l’intégrité des grands appareils, le cœur, le poumon, le rein, est indispensable au maintien de l’existence. On comprend que leur lésion, par une série de répercussions successives, entraîne la mort universelle. — On meurt toujours, disaient les anciens médecins, par suite de la faillite de l’un de ces trois organes : le cœur, le poumon, le cerveau. La vie, disaient-ils, dans leur langage imprécis, repose sur eux, comme sur trois étais. De là la notion du trépied vital.

Mais ce n’est pas seulement ce trio d’organes qui soutient l’organisme ; le rein, le foie, n’ont pas moins d’importance. A des degrés divers, chaque partie exerce son action sur toutes les autres. La vie repose en réalité sur l’immense multitude des cellules vivantes associées pour la formation du corps ; sur les trente trillions d’élémens anatomiques qui vivent par eux-mêmes.

Il n’y a pas une mort unique : il y a une série de morts partielles pour les divers élémens de l’organisme. — On peut appliquer à la mort ce que Paracelse et plus tard Bordeu ont dit