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dés troupes qui eussent été en meilleur état que celles de York. Demeurés toute la nuit sans bois, sans paille, sans pain, trempés jusqu’aux os sous une pluie diluvienne et sous le vent du Nord, les Prussiens étaient dans l’état le plus pitoyable. Les régimens, les landwehrs surtout, fondaient avec une rapidité sans précédens. Dans le régiment de landwehr de la brigade Hünerbein, le premier bataillon se réduisit dans la nuit qui suivit la Katzbach de 577 hommes à 271, et le lendemain à 180. Le second bataillon avait pu, dans une de ses attaques, ramasser les souliers et les manteaux des Français tués ; il ne perdit que 54 hommes. Mais le troisième bataillon passa dans la nuit de 510 hommes à 202 et le quatrième, qui n’avait pas vu le feu, de 625 à 407.

Le 27 août, au point du jour, Horn avec l’avant-garde de York franchit la Katzbach à Kroïtsch avec trois régimens d’infanterie, la cavalerie de réserve, et deux batteries. L’infanterie passa ayant de l’eau jusqu’à la poitrine, la cavalerie à la nage, l’artillerie dans l’eau qui recouvrait le pont. York, avec le reste du corps, tenta en vain de franchir la rivière ; il n’y put réussir. Il fit savoir à Blücher qu’il ne pouvait exécuter ses ordres, reçut, rédigées de la main de Gneisenau, les remontrances les plus désobligeantes, et demeura toute la journée immobilisé sur la rive droite. Le 28, au matin, il se résolut à se diriger sur Goldberg pour tenter le passage. Il y arriva à dix heures du soir, mais au prix d’une désorganisation à peu près complète.

Le 29 août, Horn, qui menait l’avant-garde et avait de son côté suivi l’ennemi jusqu’à Bunzlau, faisait son rapport. Les majors Reibnitz et Kottulinzky, des bataillons de landwehr, lui déclarèrent que leurs bataillons ne comptaient plus que 100 hommes, et encore tellement épuisés de faim et de fatigue qu’ils ne pouvaient plus marcher. Il avait laissé ces deux bataillons à Haynau en leur recommandant de rassembler les traînards de la landwehr « Je crois, » dit-il, « qu’un grand nombre de landwehriens, poussés par la faim, sont rentrés chez eux. Deux cents pains de dix livres, c’est tout ce que j’ai pu trouver dans la ville et dans la contrée. »

Le gros du corps prussien était dans le même état. Il manquait de munitions et manquait totalement de vivres. Les quatre bataillons de landwehr de la 2e brigade qui avaient 2 200 hommes au début des hostilités, n’en comptaient plus que 320 le 28 au matin. Ils se trouvèrent sans chef dans la nuit du 27 au 28. Les