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Tout n’était point sincère dans ces manifestations, et l’on y retrouverait sans peine l’arrière-pensée politique d’exciter ou d’entretenir l’enthousiasme en le célébrant. Gneisenau, fort expert aussi dans ce genre de manœuvres, avait pris ses précautions pour que la gloire de l’armée de Silésie et des armes prussiennes, et même ses propres mérites, ne fussent pas tenus sous le boisseau. Ce n’était pas par amitié pour Munster, ou par prévenance pour le prince régent d’Angleterre, qu’il se mettait, le soir même de la bataille, à peine descendu de cheval et abrité de la pluie, à écrire au ministre hanovrien de Londres, le récit détaillé et bien mis en valeur, des événemens de la journée. Il recommandait à son correspondant de ne point garder pour lui ses confidences, d’en faire usage pour rectifier les versions erronées qui risquaient de circuler, et de les confier aux voix de la renommée, c’est-à-dire aux gazettes anglaises. Munster ne demandait pas mieux que de mettre, en tant qu’il dépendait de lui, la presse anglaise au service de la bonne cause. Il y faisait imprimer les lettres de Gneisenau. Tout au plus s’excusait-il auprès de son correspondant d’en avoir supprimé les réflexions désobligeantes pour Langeron, que Gneisenau n’avait pu se tenir d’y insérer.

Il faut, de ces manifestations triomphantes, rapprocher les documens positifs qui établissent que, ni en haut lieu, ni à l’état-major silésien même, on n’était fort rassuré sur la solidité et sur la fidélité des landwehrs silésiennes. Le 31 août, un ordre de cabinet suspendit l’article 18 du code de justice militaire dans la Haute-Silésie, « dans cette province qui se distingue d’une façon si fâcheuse par son manque d’attachement à la patrie, » en raison des progrès de la désertion dans cette région. Et, symptôme frappant de la persistance des anciennes mœurs en contraste flagrant avec l’esprit d’une armée nationale, l’ordre de l’armée du 7 septembre prescrivit que les landwehriens fatigués seraient rafraîchis de trente coups de bâton. Ce ne fut pas, dit-on, la seule manifestation du même genre.

Il y avait quelques excès, certainement, et de l’ingratitude même dans les inquiétudes qui se manifestaient aussi brutalement. Les désertions des landwehriens avaient leur excuse. Beaucoup d’entre eux, après avoir pris quelque repos, revinrent d’eux-mêmes, sans se douter, paraît-il, qu’ils eussent rien fait de répréhensible. L’effectif des landwehrs au corps d’York, qui