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individuelle. » Un jeune écrivain français, M. Henry Bargy, dans un livre récent sur La Religion dans la société aux Etats-Unis, — notons ce titre, — les a très habilement décrites, et sa conclusion est intéressante à retenir : « L’évolution qui prépare en Amérique l’unité du christianisme est un effet du positivisme. » Espérons avec lui qu’il ne se trompe pas ! Mais un livre plus significatif encore est le recueil qu’on a formé, sous le titre de Christianisme social, des « discours et conférences, » ou de quelques-uns des discours, et de quelques-unes des conférences, du pasteur G. D. Herron, professeur de « christianisme appliqué » au Collège de Grinnell, dans l’Etat d’Iowa. L’origine de cette chaire et l’objet de sa fondation sont déjà bien caractéristiques : c’est une femme qui l’a instituée, « pour qu’on y dégageât des enseignemens de Jésus une philosophie sociale et économique, en vue de l’application de ces enseignemens aux problèmes et aux institutions sociales. » Les titres mêmes de quelques-uns de ces discours : l’État chrétien, l’Avènement politique du Christ, Une confession de foi sociale, sont encore plus éloquens. Et voici quelques-unes des déclarations qu’ils contiennent : « L’accroissement de la liberté personnelle et le perfectionnement des armes destinées à lutter contre les concurrens, telles ont été les idées fondamentales de l’économie politique, celles qui ont dominé toute l’activité du monde moderne. Nous commençons à nous douter que l’individu n’atteint son véritable développement que par l’association, et qu’il n’arrive à la liberté que par l’union avec ses semblables. Au prix de douloureuses expériences, notre race conquiert peu à peu une science qui dépasse également les déductions logiques des économistes et des philosophes : c’est à savoir qu’elle n’est pas un simple agrégat d’individus… L’évolution que nous voyons poindre sera supérieure à la phase individualiste, dont nous sortons, autant que l’état d’être raisonnable le fut à l’animalité primitive. » Si l’on considère que le discours d’où ces lignes sont extraites est intitulé : l’Avènement politique du Christ ; qu’elles sont d’un professeur de « christianisme appliqué ; » que l’Université dans laquelle il enseigne est « congrégationaliste ; » et qu’enfin il est lui-même pasteur dans son église, on y verra sans doute ce que nous y voyons nous-mêmes, la religion redevenant, d’une « affaire individuelle, » une « affaire sociale. » La croyance en Jésus-Christ « comme principe de rénovation politique et sociale, » voilà ce que nous offre un